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Hélène et les voix russes. Le feuilleton fait un tabac en Russie. Doublé par deux acteurs seulement.

Hélène et les voix russes. Le feuilleton fait un tabac en Russie. Doublé par deux acteurs seulement.

Un article de Libération qui date du 3 avril 1997, depuis Moscou et qui nous parle le doublage d'un épisode d'Hélène et les Garçons.

Moscou de notre correspondant

Comme la quasi-totalité des feuilletons étrangers passant à l'heure du créneau «âge tendre, fleur bleue et babouchka», Hélène et les garçons fait un tabac en Russie. Non pas en VO mais, comme les autres, en voix russe. «Hélène», c'est la voix de Marina, et «les garçons», celle de Vladimir. Et si Vladimir prête sa voix à tous les mignons du feuilleton, Marina prête la sienne à toutes les damoiselles. Ce n'est pas une bizarrerie, c'est une spécialité russe. A Moscou, la perspective d'un (télé)film français sous-titré en russe est à peu près aussi probable que celle d'un film de Jean-Luc Godard sous-titré en sanscrit. Quant au doublage tel qu'on le connaît , les Russes ne l'ignorent pas, mais dans l'économie de l'actuelle Russie il prend des allures de luxe hollywoodien. Marina Dougeva et Vladimir Guerassimov sont des acteurs, sortis respectivement en 1976 et 1973 d'une des grandes écoles d'acteurs moscovites. Ils ne sont donc plus ados et dans Hélène prêtent leur voix à des héros qui pourraient être leurs enfants. Marina a joué dans une cinquantaine de films, Vladimir a travaillé dans plusieurs théâtres et beaucoup tourné. Le cinéma russe faisant aujourd'hui ce qu'ils appellent pudiquement une «pause» (traduire: essayant de surnager), ils ont trouvé dans ce travail de traduction un gagne-pain qu'ils ne dédaignent nullement, car il exige une réelle vélocité. Sur la place de Moscou , ils font partie de la trentaine d'acteurs abonnés à cette tâche.

«J'ai commencé avec Hélène et les garçons, se souvient Marina, c'était un peu paniquant, car ça parle tout le temps. Au départ, on bouclait deux épisodes par jour et, à la fin, on arrivait à en faire quotidiennement douze, soit six heures d'émissions.» Et comme les acteurs sont payés au temps d'antenne (pour Hélène, 20 à 30 dollars ­ entre 100 et 150 francs ­ par épisode de trente minutes), plus vite ils vont, plus rapidement ils peuvent passer à un autre feuilleton et plus ils gagnent.

Aucun prompteur, mais un pupitre où chacun des deux acteurs lit le texte, et, devant, le film projeté sur un écran. Et c'est parti. Quand ils le peuvent, ils visionnent les épisodes avant et jettent un coup d'oeil sur le texte préparé par une traductrice. Mais il leur arrive régulièrement de découvrir images et texte au moment de la séance d'enregistrement. Que fait l'acteur-traducteur? Lit-il simplement le texte de chacun des rôles? Joue-t-il chaque personnage? «Plus le téléspectateur oublie l'acteur que je suis, mieux c'est», explique Vladimir. «Il faut essayer d'être dans le ton de chaque personnage sans pour autant imiter la voix des acteurs, qu'il soit jeune ou vieux, nous devons rester neutres», ajoute-t-il, faisant du Roland Barthes sans le savoir. D'un côté, l'acteur s'annule en tant que tel (il ne joue pas); de l'autre, il est une sorte d'acteur Protée (il est tous les garçons, elle est toutes les filles), qui passe sans cesse d'un personnage à l'autre.

En vieux briscard, Vladimir se souvient du temps de la télé soviétique où l'on doublait sans se presser les feuilletons venus des Buttes-Chaumont de l'ex-ORTF, tels les six épisodes de la Comtesse de Montsoreau, par lesquels il a débuté. «Chaque acteur doublait un seul personnage, moi je faisais le duc d'Anjou, on visionnait tranquillement le film, on peaufinait la traduction, on avait le temps.» Aujourd'hui, les chaînes se sont multipliées, l'économie de marché veille au grain, c'est la course, une voix pour les hommes, une autre pour les femmes et basta. Comme Vladimir et Marina sont pros donc rapides, ils ne chôment pas. Le jour où nous les avons rencontrés dans les bureaux de Classe (société mixte, mi-télévision d'Etat, mi-privée, qui achète beaucoup de feuilletons français) installés à l'un des étages de la grosse tour de la télévision russe, ils sortaient d'une séance d'enregistrement d'un Tarzan avant d'attaquer un épisode des Vacances de l'amour, autre feuilleton d'AB «plus reposant», car beaucoup moins bavard qu'Hélène .

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