Certains films, certaines scènes, certaines dérisions sont désormais interdits et dénoncés par une police de la pensée, déplore Pascal Praud.
Je zappais ce mardi soir entre l'élimination annoncée de Nice face à Naples (0-2) et les chaînes de télévision quand je suis tombé sur Deux Heures moins le quart avant Jésus-Christ programmé sur NRJ12. Le film date de 1982 (trente-cinq ans !). Il avait réuni 4 600 000 entrées en France. Je suis bon public et revoir Coluche en Ben-Hur Marcel, Jean Yanne qui bougonne ou Paul Préboist qui garde un lion nommé Lucien dans la prison d'une province colonisée par les Romains me fait marrer. Ni plus ni moins. Il y a aussi Michel Auclair, Darry Cowl (génial Faucus, le conseiller du consul), Daniel Emilfork et même Yves Mourousi ainsi que Léon Zitrone.
Il y a surtout Michel Serrault qui campe César et décline son personnage d'Albin dans La Cage aux folles version antique. Serrault en fait des tonnes. Il caricature un homo comme on le faisait jadis : efféminé, précieux, ridicule. Le trait est forcé, c'est la loi du genre, comme La Vérité si je mens moque les familles du Sentier à Paris avec Serge Benamou et Chochana Boutboul.
Serrault passe ses nuits dans une boîte gay tenue par José Artur, prénommé – c'est drôle – Reginus. On est dans les catacombes. Les clients entrent et sortent. Ils se dévisagent, s'embrassent, se pelotent. Ambiance grande folle.
Il est clair que Deux Heures moins le quart avant Jésus-Christ ne verrait pas le jour aujourd'hui. Il ne passerait pas le cut. Aucun scénariste ou dialoguiste n'écrirait le rôle d'un César homo, pédé et chochotte de peur d'être traité d'homophobe. De la même façon, personne ne dirait que Serrault joue une tafiole ou une tapette parce que la police de la pensée veille, que le CSA est aux aguets et les procès en sorcellerie légion. Le film Pédale douce est sorti en 1995, autant dire il y a un siècle.
Je me gondolais devant Serrault et je pensais à Cyril Hanouna, à « son dérapage » comme ils disent, à cette mauvaise blague qui est devenue une affaire d'État. Je ne dis pas que Hanouna soit Serrault, mais je pensais à 1982. Quelle légèreté envolée ! Quelle liberté oubliée ! Le politiquement correct a bouffé nos esprits. Attention, danger si vous jouez avec les Noirs, les femmes, les homos, les juifs, etc. Je rappelle que Pierre Desproges commençait un sketch par ces mots : « On me dit que des juifs se sont glissés dans la salle… »
D'autres que moi expliqueront pourquoi et comment certaines plaisanteries ont disparu. L'époque est grise. La peur règne. Anne Roumanoff est une vedette. Saint-Just et Robespierre gouvernent les esprits. Pas de blague, les gars. Ou direct au pilori. Voire à la guillotine. Heureusement, il reste les DVD, les émissions de l'INA et les romans de Gabriel Matzneff. Le rétro est rigolo.