La quête de Leonard Cohen était d’atteindre les profondeurs du cœur. Pour cela, il n’eut d’autres choix que d’explorer avec une lucidité implacable la part d’ombre et de lumière qui constitue chacun de nous, à commencer par lui-même.
Profondément tourmenté depuis l’enfance autant qu’il aspirait à la lumière, Leonard Cohen a su déployer comme peu d’artistes une œuvre qui oscille de la grâce à la chute, de la haine à l’amour, sondant chaque émotion comme une vérité sans fard.
« Tout est dit dans mes chansons », affirmait l’écrivain romancier et poète, devenu chanteur parce qu’il voulait donner une voix à ses textes. Au fil de ses mots et de ses mélodies, des anges peuvent côtoyer les lames de rasoir, des berceuses renfermer une violence impitoyable, sa voix grave s’envelopper de chœurs féminins, la pureté blanche d’une avalanche engloutir une âme lourde… Si son but est d’approcher la grâce, il ne peut l’atteindre sans traverser les abîmes.
C’est que pour lui, « nos cœurs brûlent dans nos poitrines comme de la viande de kebab sur sa broche ». Pour tenter de comprendre et traverser ce feu, toute l’œuvre de Leonard Cohen est composée comme un gigantesque art d’aimer. Pour les femmes, la poésie, Dieu, ou toute chose vivante. Amours issus d’un même élan se confondant sans cesse.
A l’écoute des textes ciselés sur parfois des années, accompagnés d’arpèges de guitare comme de musique électronique, Leonard Cohen a su transcender une à une ses peurs pour entrer dans une sagesse rayonnante. A la fin de sa vie, il n’avait pas fait disparaître le côté sombre de l’existence, mais, devenu léger, il avait su frotter le noir jusqu’à ce qu’il prenne les propriétés de la lumière.