Rozon témoignait dans le cadre d’un litige commercial entre Québecor et Juste pour rire, concernant la vente de l’entreprise qu’il a fondée. Son témoignage portait essentiellement sur des détails commerciaux et contractuels, mais ça ne l’a pas empêché de parler des allégations d’inconduites sexuelles dirigées contre lui, révélées en octobre.
« La présomption d’innocence est partie d’un coup sec », a-t-il dit à la cour, disant avoir fait les frais d’une « espèce de folie, d’hystérie médiatique » dans la foulée du mouvement #MoiAussi sur les réseaux sociaux.
Il était arrivé bien en avance au palais de justice de Montréal, s’isolant dans une petite pièce adjacente à la salle d’audience, affalé dans le fond de sa chaise en attendant son tour de témoigner.
À l’automne, une dizaine de femmes avaient publiquement dénoncé Rozon. Et depuis, le regroupement Les Courageuses a intenté une action collective contre l’ancien magnat de l’humour, lui réclamant des millions de dollars.
Il est allégué dans le document de cour que Rozon a agressé au moins 20 femmes entre 1982 et 2016.
« Je les réfute, je vais le contester, mais le temps que ça va prendre... », a-t-il lancé, semblant faire référence aux délais des tribunaux.
Des commanditaires se sont aussi temporairement retirés de Juste pour rire, a déploré Rozon.
Il a également lancé ainsi une flèche envers le gouvernement du Québec qui a suspendu temporairement les subventions de Juste pour rire tant qu’il était à la tête de l’entreprise.
« Le gouvernement balaie sous le tapis la présomption d’innocence, c’est un peu étrange dans un État de droit », a-t-il lancé à la cour.
Face à la tempête à laquelle il fait face, Rozon a décidé de se départir de Juste pour rire afin de « tourner la page » et ne pas nuire à la compagnie.
« J’ai le cœur déchiré », a-t-il dit relativement à la vente de ses actions, pour à nouveau réfuter fermement les allégations de nature sexuelle dirigées contre lui.
Il a embauché une firme afin de trouver un acheteur, mais Québecor détient un droit de première offre et de premier refus, estime l’entreprise qui est notamment propriétaire du Journal.
« Je croyais que ce droit était terminé », a affirmé Rozon en contre-interrogatoire.
Questionné à savoir s’il avait tenté d’élaborer avec des tiers une stratégie afin de « contourner » les droits de Québecor, Rozon est resté évasif.
« Pas comme ça, non, j’ai peut-être eu des idées [...], mais pas au sens où vous l’entendez », a conclu Rozon, disant avoir même pensé « de bonne foi » à placer sa compagnie dans une fiducie sans droit de regard.
« J’espère qu’on vit encore dans une société qui favorise et qui privilégie la présomption d’innocence. »
« Je suis désolé si quelqu’un a pu se sentir offensé par un propos déplacé. »
« Je n’ai jamais fait l’amour à quelqu’un, à une personne qui m’a dit non. Jamais. »
« Mais là, je suis fatigué. »
« Je n’ai jamais pensé à vendre [Juste pour rire avant les allégations]. »
« Depuis [les allégations d’inconduites sexuelles], je me suis surtout concentré sur la vente des actions. »
« Loto-Québec a suspendu sa commandite. Mais les petits [commanditaires] vont reprendre quand il y aura un nouvel acheteur. »