À seulement 28 ans, il a décroché le poste le plus convoité du PAF. Réactionnaire, provocateur et tête à claques ? Une réputation sulfureuse précède le nouveau chroniqueur d’« ONPC », remplaçant de Yann Moix. Pour sa première interview, après l'annonce de sa nomination, Charles Consigny a donc essayé de se racheter une conduite.
« Vous êtes très étrange comme type. Vous semblez revenir de tout, sans être allé nulle part. Vous mélangez l’immaturité avec le flegme. Vous parlez avec un sérieux, on ne sait même pas d’où vous sortez. Vous vous arrogez le droit de donner des leçons alors que vous êtes encore en cours. C’est précisément ce que j’aime chez vous. Vous vous autorisez une chose que plus personne ne s’autorise dans ce pays : être soi-même. » Ce soir de juin 2017 dans On n’est pas couché, Yann Moix ne cachait pas son enthousiasme face à ce jeune écrivain de 27 ans, fier comme Artaban dans le fauteuil de l’invité, bourré tout autant de talents que de paradoxes. L’un d’eux se lit d’ailleurs sur son visage : il a cette bouille ronde qui pourrait lui conférer une certaine bonhommie si elle n’était pas tranchée par un sourire carnassier. On ne donnerait pas le bon Dieu sans confession à Charles Consigny, tant il se plait à revendiquer un certain mauvais esprit. Beaucoup le disent réac, d’autres provocateur. Laurent Ruquier préférera le terme d’« agaceur ». Est-ce donc ce même soir que le présentateur a eu l'idée de l'engager ? Charles Consigny semblait déjà si bien acclimaté au plateau du Studio Gabriel, il fallait qu’il y reste. Ce sera donc lui, ce polémiste débutant – ayant fait ses armes dans Les Grandes Gueules sur RMC – qui remplacera Yann Moix dès la rentrée prochaine. Avant lui, Natacha Polony, Léa Salamé, Aymeric Caron ou encore Éric Zemmour – auquel on aime le comparer à tort ou à raison – se sont relayés à ce poste, certainement le plus lorgné du PAF.
Deux jours après l’annonce, on retrouve ce chroniqueur fraîchement nommé autour d’un café. Il est ravi d’avoir décroché ce job dont il avait rêvé, même s’il sait qu’il devra désormais lisser un peu son image. Du moins, jusqu’à la première émission en septembre prochain. Ce ne sera pas mission aisée : Charles Consigny aime les coups d’éclat.
Quand avez-vous appris que vous alliez remplacer Yann Moix ?
J’en discutais depuis longtemps avec Laurent Ruquier et Catherine Barma. C’est un job qui m’intéressait donc, d’une certaine manière, j’ai postulé. En espèrant ne pas passer pour prétentieux, je crois que c’est une idée qu’ils avaient aussi. Et ensuite, ils m’ont appelé pour me dire qu’ils avaient envie qu’on marche ensemble.
Vous ont-ils dit pourquoi ils vous avaient choisi ?
Je m’entends très bien avec Laurent Ruquier et Catherine Barma. C’est une équipe que je connais pour avoir collaboré à L’Émission pour tous (en 2014, ndlr) et pour être venu dans ONPC en tant qu’invité. Ils avaient envie de quelqu’un avec qui ils peuvent travailler facilement et en bonne intelligence. Ils ne me l’ont pas expressément dit mais je pense qu’ils sont contents d’avoir quelqu’un qui a des idées assez tranchées et qui les assume. Je crois qu’ils veulent revenir à une vraie émission d’opinion. C’est pour ça qu’ils ne voulaient pas un journaliste, mais plutôt un profil d’éditorialiste.
Votre passage en tant qu’invité dans l’émission, en juin 2017, était-ce une sorte d’entretien d’embauche improvisé ?
Je ne sais pas si Laurent Ruquier avait cette arrière-pensée… Moi je l’avais un peu. J’y suis allé avec beaucoup de bonheur. J’étais heureux d’être dans ce fauteuil. J’étais flatté de cet accueil très bienveillant et sérieux : on avait lu mon livre et on voulait me parler du texte. C’est tellement rare de la part de chroniqueurs à la télé. Je vais m’impliquer à faire de même, c’est-à-dire traiter avec sérieux les œuvres présentées. Notre rôle, c’est d’être rigoureux.
Vous êtes le plus jeune chroniqueur depuis les débuts de l’émission, en 2006. Est-ce un défi supplémentaire ?
Oui, mais c'est surtout une chance énorme. En même temps, j’étais directeur de la publication d’un magazine à 18 ans, donc j’ai souvent été le plus jeune… Mais je sais que je vais devoir travailler deux fois plus que les autres.
Quel est justement le profil idéal d’un polémiste d’ONPC ?
Un bon polémiste, c’est quelqu’un qui s’exprime sans se demander comment il va faire le buzz. Moi je m’exprime en m’intéressant au fond, et sans me soucier des éventuelles répercussions. Je n’essaie pas de créer la polémique. J’essaie simplement de regarder ce qui se passe et de vivre sans me conformer exactement à l’esprit du temps. Parfois, je peux avoir des positions jugées iconoclastes ou provocantes, dans cette époque continuellement terrorisée par le fait d’offenser quelqu’un. J’estime que la liberté d’expression, c’est aussi la liberté de choquer.
On vous dit souvent réactionnaire. C’est un terme qui vous convient ?
En réalité, sans doute… Mais je ne me reconnais pas dans les idées des réactionnaires traditionnels. Je suis très pro-européen. Je suis libéral. Je ne suis pas forcément pour l’uniforme ou l’interdiction du téléphone portable à l’école. Je me sens réac au sens où, j’avoue, j’aime bien porter une chemise repassée. Au sens où j’aime bien les vieilles maisons et tout ce qui s’écroule. J’aime la musique classique, et je m’intéresse assez peu à la nouvelle musique avec les voix transformées sur ordinateur. Tout ça fait sans doute de moi un réactionnaire.
Mais vous vous revendiquez plutôt de droite…
Oui, je suis plutôt un homme de droite, mais pas systématiquement. Je ne suis pas quelqu’un qui vient avec son système et qui l’applique à tout. Sur la question des migrants par exemple, je ne pense pas être sur la ligne des hommes de droite d’aujourd’hui, au contraire. Sur la question de la justice également, je suis plus sur la ligne de Christiane Taubira que sur celle des Républicains. Je trouve absolument indigne la manière dont on traite les gens que l’on met en prison en France. Sur certains sujets, je suis donc plus proche de la gauche gauchiste.
Fallait-il un homme de droite pour trouver un équilibre avec Christine Angot ?
Je ne pense pas que Christine Angot soit aussi systématique. Elle a certainement une sensibilité de gauche, mais elle a également des opinions différentes pour chaque sujet.
Comment envisagez-vous la cohabitation avec elle ?
Très sereinement et avec bonheur. J’ai beaucoup de respect pour elle, je la lis depuis longtemps. C’est un écrivain qui a beaucoup de talent. On a tous les deux en commun d’avoir écrit des livres d’autofiction, ce qui implique de se livrer de manière assez intime. Ça nous fait un lien de parenté. D’ailleurs, c’est après l’avoir lue – Rendez-vous ou Une semaine de vacances – que je me suis aventuré sur ce terrain. En télé, elle a la grande qualité de ne pas venir en tant que chroniqueuse, mais en tant qu’artiste.
Quand elle a été recrutée l’an dernier, vous aviez pourtant dit dans Les Grandes Gueules qu’elle était la « Donald Trump du XIe arrondissement »…
Déjà, je ne partage pas l’anti-trumpisme obsessionnel de 99% des journalistes du monde occidental. Je regarde ce type avec mes lunettes : je vois du bon et du mauvais, mais je ne vois pas que du mauvais chez un personnage aussi inattendu. Donc, quand je taxe quelqu’un « d’être un Donald Trump », ce n’est pas forcément une critique… En l’occurrence, ça n’en était pas une. Je voulais juste dire qu’elle était brut de décoffrage et qu’elle ne prenait pas toujours des gants.
Sur les douze années d’antenne d’ONPC, quel chroniqueur pourriez-vous prendre en modèle ?
Je n’ai pas envie de prendre un modèle. Mais je pense qu’Éric Zemmour a eu un poids très important dans le débat politique français. Il est arrivé à un moment où le politiquement correct dominait le champ des idées politiques et médiatiques. Il est arrivé là-dedans comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. C’était marrant à regarder. Après, je pense que Yann Moix est celui qui a fait le plus grand travail intellectuel, celui qui arrivait avec le plus de références.
Après le style Moix, à quoi ressemblera le style Consigny ?
Je ne sais pas encore. Mais je vais arriver dans l’émission avec une parole très libre, aucune auto-censure. J’ai l’intention de beaucoup travailler pour apporter quelque chose au débat. Je ferais preuve d’une vraie franchise. Comme je suis plutôt sur une ligne libérale – un libertarien, comme on dit – dans un pays qui n’est pas toujours passionné par la liberté, je vais peut-être faire souffler un vent nouveau sur les médias.
Aujourd'hui, On n’est pas couché fonctionne sur les buzz à répétition. Selon vous, le concept de départ s’est-il essoufflé ?
La vraie qualité de cette émission, c’est qu’elle laisse des positions antagonistes s’exprimer, qu’elle laisse la place au débat. Au milieu d’un paysage médiatique qui généralement ronronne, On n'est pas couché – qui ne ronronne pas –, devient la source de nombreux clashs diffusés en boucle sur Internet. Moi je comprends les téléspectateurs qui veulent entendre des vraies idées et des vrais débats, et qui ne veulent pas juste voir une petite conversation calme. La société est dure et violente, donc il y a des raisons de s’énerver à la télé.
Mais vous, vous avez cette capacité à générer le buzz. C’est certainement pour cela que vous avez été engagé…
Aux Grandes Gueules, il y a eu des clashs assez sérieux. Je m’en souviens d’un notamment, entre les deux tours de la présidentielle. Quand la France insoumise était incapable d’appeler à battre le Front national, moi je m’étais un peu énervé. De même qu’une fois, j'avais gueulé sur un représentant du FN qui était venu avec une proposition pour exclure les enfants d’immigrés des écoles. Quand je pense que quelque chose mérite d’être dit, quand je vois une lâcheté ou une imposture, j’ai tendance à monter au front.
N’allez-vous pas vous sentir obligé de nous offrir un clash dès votre première émission, en septembre ?
Pas du tout. Je ne me sens obligé de rien. Je vais simplement venir avec ma parole libre. Avant-hier, l’ancien procureur Philippe Bilger a fait un tweet aberrant dans lequel il explique que Laurent Ruquier et moi serons toujours d’accord puisque nous sommes tous les deux homosexuels. Après avoir dit une bêtise pareille, non seulement il n'a pas rétropédalé mais il a assumé. Or, plus il s’en explique, plus il s’enfonce. Est-ce que l’on peut dire que c’est un premier clash ? Les polémiques ne viennent pas toujours des chroniqueurs…
Mais il faut l’avouer, vous aimez faire parler de vous.
Quand on fait de la télé, ce n’est pas pour rester dans une grotte. J’ai envie d’aller dans le débat, pas dans le buzz.
Plus que réac, on vous catalogue encore plus souvent de « tête à claques ». D’où vient cette réputation ?
Quand on commence la télé jeune, on passe inévitablement pour une tête à claques. J’ai débuté quand j’avais 18-19 ans, sur Paris Première avec l’émission Cactus. On parle avec beaucoup d’assurance quand on a cet âge-là. C’est d’ailleurs la chanson de Charles Aznavour : « Hier encore, j'avais vingt ans, je précédais de moi toute conversation, et donnais mon avis que je voulais le bon pour critiquer le monde avec désinvolture ». Enfin, je me suis calmé avec les années, j’ai mis de l’eau dans mon vin et j’espère être moins grandiloquent.
Certains évènements ont participé à construire votre réputation. Comme cette fameuse gifle que vous aurait donné à Francis Lalanne sur le tournage d’une émission de Christophe Dechavanne.
Je n’ai pas envie d’épiloguer là-dessus. C’est tout simplement l’hystérie de la télévision qui amène à ces débordements. Ça m’amuse plutôt : quand on est dans l’arène, parfois ça dérape. Cette anecdote me semble tellement dérisoire par rapport à mon parcours. Quand je lis les articles sur moi qui sont sortis depuis 48 heures, je suis accablé par le manque de sérieux des journalistes. J’ai fait sept ans d’études de droit. J’ai travaillé dans les meilleurs cabinets de Paris, chez Hervé Temime par exemple. J’ai créé ma première entreprise à 17 ans. J’ai fait paraître, entre mes 17 et 21 ans, dix numéros d’un magazine sur papier glacé, Spring, dans lequel il y avait les plus beaux annonceurs dont on puisse rêver. J’ai publié trois livres. Quand j’avais 20 ans, pour choquer le bourgeois, je me suis amusé à dire que je conseillais Christine Boutin. C’était surtout pour me marrer. Et résultat, qu’est-ce que je lis dans la presse ? « Charles Consigny, de Christine Boutin à Laurent Ruquier »… Ça me désespère pour le journalisme.
Vous rêvez-vous toujours en ténor du barreau, comme vous le disiez récemment dans votre portrait paru dans Vanity Fair ? Ou allez-vous devenir uniquement un animal télévisuel ? Je serais avocat en bonne et due forme au mois de décembre. Donc ça me laisse du temps à consacrer à cette émission. Je pense que ça fera aussi ma singularité car ensuite, je vais commencer à exercer en parallèle. Je suis fondamentalement passionné par le métier d’avocat et je compte bien plaider, dans la mesure du possible.