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Macron au JDD : "Je ne changerai pas de politique"

Macron au JDD : "Je ne changerai pas de politique"
Sa rentrée a été ratée, il compte réussir sa sortie. En visite aux Antilles depuis jeudi, Emmanuel Macron a choisi de s’afficher au plus près des habitants de ces îles, un an après l’ouragan Irma qui les avait dévastées. On l’a dit lointain, il se veut empathique. On le croit en difficulté, il se montre combatif. Loin des turbulences politiques de la métropole, il est décidé à contre-attaquer. Vendredi soir, il reçoit le JDD dans un petit salon de la résidence préfectorale de Saint-Claude. Un dîner officiel l'attend, il a gardé sa cravate, parle avec conviction. L'affaire Benalla, les défections de Nicolas Hulot et (bientôt) de Gérard Collomb, les sondages ­ravageurs, il veut répondre à tout. Résultat : un énergique plaidoyer pour réaffirmer sa "vision" à long terme et sa détermination à réformer.
 
Après deux jours passés à embrasser ceux qui se pressaient sur son passage, quitte à essuyer leur mécontentement, le chef de l'État l'assure : "Je suis content d'être avec les gens. J'aime beaucoup le contact, être parmi eux. Ça me régénère beaucoup, je suis heureux de les entendre, de traiter les problèmes du quotidien." Ses mots sonnent comme une réponse au diagnostic cruel de Gérard Collomb, qui a récemment déploré devant des journalistes son "manque d'humilité" et regretté que "l'Élysée isole par nature". Alors il en rajoute : "J'aime profondément être avec mes concitoyens, à portée de visage et d'embrassades ou d'explications. Passer du temps au milieu d'eux, les entendre expliquer leurs angoisses, leurs impatiences, c'est ce pourquoi je me suis engagé. Je porte une ­vision, un projet pour notre pays, mais j'ai à cœur de convaincre, et j'aime être là, avec eux."
 
Le message est clair. Macron ne fuit pas le dialogue, il le souhaite. Qu'importe que son invitation à un jeune horticulteur à "traverser la rue" pour trouver du travail soit (une nouvelle fois) passée pour de l'arrogance. "En cette rentrée, précise-t‑il, j'ai une volonté de ­retourner à un terrain qui peut être difficile, mais qui ne tolère aucune dérobade. Il faut aller au contact des gens. Cela veut aussi dire accepter leur colère, leur impatience, leur détresse." De fait, il récidivera en novembre avec un déplacement de six jours dans le Nord-Est pour commémorer le centenaire de la fin de la Grande Guerre, sur des terres économiquement sinistrées. Et il a demandé à son staff de lui organiser moins de bains de foule, qu'il juge "superficiels", mais "plus de séquences de dialogue avec les populations", confie un conseiller. Jupiter redescend de l'Olympe.
 
S'il est prêt à renforcer son écoute, Macron n'entend pas modifier son cap. "En aucun cas je ne changerai de politique, martèle-t‑il. Je me suis engagé à procéder aux transformations que notre pays, depuis des décennies, avait évitées par le petit jeu du tic-tac de droite et de gauche ou par les lâchetés, petites ou grandes. Les réformes n'ont jamais été faciles, il ne faut pas se tromper. Regardez la réforme du travail, de la SNCF, les décisions sur Notre-Dame-des-Landes. À chaque fois, les gens nous disaient : “Vous n'y arriverez pas.” Nous y sommes arrivés car c'est au contraire cela que le pays souhaite. Notre priorité n'est pas de durer, mais de faire."
 
Aussi assure-t‑il avec ferveur : "Il faut poursuivre la transformation en profondeur : la réforme de l'assurance chômage, la refondation de notre système de santé et de nos politiques de lutte contre la pauvreté, la réforme de la fonction publique, du secteur énergétique et de la mobilité." Et promet "des décisions lourdes sur les religions et leur organisation [comprendre : il n'a pas renoncé à s'exprimer sur l'islam], la transformation de notre système de retraites et de prise en charge de la dépendance, qui vont jalonner les prochains mois". "J'ai donné le cap le 9 juillet dans mon discours au Congrès : il ne dévie pas d'un pouce. Le chantier des réformes à venir ne sera pas moins ambitieux que l'an passé."
 
La consigne est passée. Edouard Philippe, jeudi soir sur France 2, a revendiqué la même constance, et, en marge de la visite caribéenne, un ministre confiait : "Ce qui serait dramatique, ce serait de donner l'impression que, parce qu'il y a des difficultés, on change de ligne ou de braquet. Ce serait intenable."
 
Macron est encore plus net : "On est dans ce moment où beaucoup de dirigeants politiques ont cédé avant moi, celui où les résultats des réformes menées ne sont pas encore perceptibles mais où il faut plus que jamais continuer à les faire. Moi, je ne céderai pas à la facilité." Derrière ce "moi" affirmé, proclamé, la référence à François Hollande comme antimodèle est plus qu'implicite. Lui avait changé de trajectoire, sans pour autant gagner en popularité – Macron est bien placé pour savoir comment ça s'est terminé.
 
C'est pourquoi le chef de l'État dit rester impavide face à la dégradation des sondages. "La pédagogie est la condition de l'action, affirme-t‑il. Nous avons demandé beaucoup d'efforts, ouvert beaucoup de chantiers, et parfois le quotidien de nos concitoyens n'a pas encore changé. Ça, j'en suis très conscient. Je voudrais qu'il change plus vite et je fais tout pour cela, mais les effets de beaucoup de réformes prennent du temps. C'est d'autant plus vrai que c'est toute la société que nous devons ­remettre en mouvement. Les grandes transformations ne s'opèrent pas d'en haut. Nous les impulsons, il faut ensuite que les acteurs s'en saisissent pour les mettre en œuvre."
 
Conscient qu'une ambition réaffirmée ne suffira pas à apaiser les frustrations ni les critiques contre le "président des riches", Macron contourne la difficulté en revendiquant… la contradiction. "C'est mon en-même-temps à moi : la vision et l'impatience, confie-t‑il. Quand je vois que les choses bloquent encore sur la réforme de l'État, je suis moi-même impatient, je veux que ça aille plus vite. Nos rouages sont encore trop lourds, qu'il s'agisse de l'État comme des collectivités locales. Je sais que nos élus, nos fonctionnaires et avant tout nos concitoyens veulent plus de pragmatisme, de rapidité, d'efficacité. Moi aussi."
 
Il précise : "Je suis bien sûr sensible à la problématique du pouvoir d'achat. Mais moi, je ne me suis pas engagé là-dessus. Je me suis engagé sur le travail, sur le mérite. Mon rôle est donc de rappeler ce cap. La politique que je mène, elle ne peut pas seulement être conduite pour la fin du mois. Et la question que je me pose, chaque matin, c'est comment je vais améliorer le quotidien de nos concitoyens, mais aussi sur quels rails nous allons mettre le pays dans dix ans, dans quinze ans. Ça donne du recul par rapport aux péripéties du quotidien."
 
Mais un quinquennat suffira-t‑il pour réformer la France comme il l'entend ? "Nul ne peut le dire aujourd'hui, répond-il. Si je pouvais tout faire en un an, je le ferais. J'ai de l'ambition pour notre pays et j'aurai cette impatience jusqu'à la dernière seconde. Le reste relève de tactiques dont je n'ai pas le loisir."
 
Peut-être est-ce pour cela qu'il a souligné à New York au début de la semaine (dans un entretien accordé en anglais à l'agence américaine Bloomberg) l'avantage politique dont il dispose par rapport à Donald Trump ? "Moi, je n'ai pas d'élections de mi-mandat", disait-il, alors que les européennes du printemps 2019 approchent à grands pas et qu'elles s'annoncent délicates.
 
"Je vous le confirme, tranche Macron, la durée de mon mandat, c'est cinq ans. Pour les élections ­européennes, je ferai tout pour que les progressistes, les démocrates et ceux dont je porte la voix – je l'espère incarnée par une liste la plus large possible en France – se fassent entendre. Mais ce scrutin n'aura aucun impact sur la politique que le gouvernement doit mener. Il faut être sérieux : nous sommes un pays ou les campagnes présidentielles durent longtemps. Le mandat du chef de l'État, c'est cinq ans. Je travaillerai jusqu'au dernier jour. Nous avons une majorité parlementaire qui nous permettra de faire. Le système américain est différent. Il y a des élections, à la chambre des représentants comme au Sénat, qui peuvent affecter la capacité de l'exécutif à faire. Ce n'est pas le cas en France."
 
Il s'engagera donc dans la campagne des européennes. Sans y jouer sa présidence, mais sans en mésestimer l'enjeu non plus. "Je m'implique en permanence autour de la table du Conseil ­européen, ­signale-t‑il. Et je m'impliquerai car je crois à une campagne pour une Europe de l'ambition et de l'avenir, des démocrates et des progressistes. C'est un combat de civilisation, un combat historique, et je ne céderai rien aux extrêmes. Je crois au retour des peuples. Je ne suis pas un européiste, ni un mondialiste. Je crois à l'identité forte de chaque peuple, je crois à l'histoire et à l'ambition de notre peuple. Je veux le convaincre que l'Europe, c'est ce qui l'accompagne, le protège. Je suis pour tourner la page d'une Europe ultralibérale, mais aussi pour éviter la page d'une Europe des nationalismes. L'Europe, c'est notre bonne protection. Encore faut-il la repenser et la rebâtir."
 
Reste l'accumulation des bévues depuis l'été, qui a flétri son image et nourri un sentiment de gâchis. Macron n'esquive pas le reproche, il tente de le minimiser : "C'est inévitable qu'il y ait des erreurs, des anicroches. Le bon côté de cela, c'est que la solution dépend entièrement de nous. Surtout, cela ne doit cacher aux yeux de personne que les choses avancent dans le bon sens." Une respiration, et il ajoute : "Je suis exigeant avec moi-même et les gens qui m'entourent. Je ne suis pas parfait, personne n'est parfait. Qu'il y ait des choses qui ne soient pas bien faites, c'est donc normal. Il faut les corriger. Mais il faut aussi éviter de perdre collectivement du temps à parler de sujets qui sont accessoires. On doit juger sur sa capacité à répondre aux problèmes quotidiens des Français et tenir le cap historique pour notre pays." Aux Antilles, le cyclone qui menaçait a été moins fort que prévu. A Paris, la tourmente n'est pas terminée.

Source Le JDD

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