L'ex-animateur de "Questions pour un champion" a subi coup sur coup deux redressements, le fisc estimant qu'il avait minoré à tort ses revenus.
Entre le fisc et Julien Lepers, c'est "je t'aime, moi non plus". Il y a une vingtaine d'années, le fisc avait examiné les comptes bancaires de l'animateur, et s'était notamment aperçu que les rentrées d'argent (760.540 euros sur 1987-88) étaient deux fois plus importantes que les revenus déclarés aux impôts (300.359 euros). L'animateur avait alors écopé d'une condamnation à 22.866 euros d'amende, plus un an de prison avec sursis pour "fraude fiscale".
On pouvait penser que notre homme, avec au-dessus de sa tête l'épée de Damoclès d'un sursis, se comporterait de manière exemplaire et ne récidiverait pas. Que nenni ! Il a persisté à ne pas envoyer dans les temps ses déclarations d'impôt, malgré les mises en demeure du fisc. Surtout, il a encore écopé de deux nouveaux redressements, l'un portant sur les années 2000 à 2002, l'autre portant sur 2003 et 2004.
Dans ces redressements, le fisc estime qu'au total, Julien Lepers a minoré ses revenus de 1,08 million d'euros sur cinq ans. Principale technique utilisée par l'ex-animateur de "Questions pour un champion" : retirer de ses revenus diverses dépenses au motif qu'il s'agirait de "frais professionnels". Tout y passe : boîte de chocolats, confiseries, places de théâtre, annonce immobilière, lunettes, livraison de fleurs, parfums, bouteille de champagne, vêtements de femme, bande dessinée Spiderman, livres et DVD pour enfants, restaurants, cadeaux, coiffeur, travaux de photos et de dactylo…
Pour justifier cela, notre homme a avancé les arguments les plus improbables. Ses voyages au Maroc et à Dubaï ? C'est pour nouer des relations au cas où il "perdrait son emploi". Ses frais de réception ? C'est pour "créer ou entretenir des relations personnelles en vue d’une éventuelle reconversion". Les honoraires de son conseiller fiscal ? C'est pour l'aider à remplir sa déclaration d'impôt sur la fortune. Ses frais d'assistance juridique ? C'est pour écrire un livre sur Michael Jackson (qui n'est jamais sorti).
L'achat de journaux tels que Nice Matin, VSD, Paris Turf, 100 Idées Jardin, Pomme d’Api, le Journal de la Maison, Art et Déco ? C'est parce qu'il "anime un jeu de culture générale". Ses dépenses d'hygiène corporelle, d'habillement, de pressing et de blanchisserie ? C'est parce que le métier d'animateur "nécessite une apparence irréprochable". L'achat d'un téléphone et ses cinq abonnements téléphoniques ? C'est parce que son métier l'oblige à "être joignable". Notre homme a même déduit de ses revenus un abonnement au téléphone fixe qui était payé par quelqu'un d'autre...
Autant d'arguments balayés par le fisc, qui a vérifié auprès du producteur de "Questions pour un champion", Fremantle, que Julien Lepers n'écrivait pas lui-même les question du jeu, et donc n'avait pas besoin de développer sa culture générale. Le producteur a aussi indiqué fournir à notre homme pour le tournage costumes, chemises, et cravates, pour environ 1525 euros par an.
Julien Lepers, habitant à Nice mais travaillant à Paris, a aussi tenté de faire passer en frais professionnels son logement à Neuilly, ses frais de parking, et ses allers-retours entre Paris et Nice. Il a d'abord argué qu'il devait faire la publicité de "Questions pour un champion" à Nice, mais Fremantle a attesté que notre homme n'était pas chargé de cette promotion. Il a ensuite plaidé que ces allers-retours étaient des déplacements professionnels, Mais, pour le fisc, "se domicilier à Nice alors que son travail est à Paris résulte d'un choix de pure convenance personnelle".
Julien Lepers, qui est aussi auteur-compositeur à ses heures perdues, a aussi déduit 175.609 euros de dépenses (déplacements, réceptions, cadeaux à des personnalités du spectacle...) prétendument liées à l'enregistrement de chansons. A l'appui, il a fourni les maquettes de ses projets de chansons. Mais cela n'a pas convaincu le fisc, qui a rétorqué qu'aucun disque n'était sorti, et que de toutes façons, les frais d'enregistrement sont à la charge du producteur. Julien Lepers répondra n'avoir jamais trouvé de producteur pour sortir son disque, mais sans convaincre...
Mais ce n'est pas tout. Julien Lepers, à côté de l'animation de Questions pour un champion qui lui rapportait 40.000 euros par mois, a aussi effectué moult ménages : animations de jeux (le Grand quizz), événements commerciaux, dédicaces... Il a aussi vendu son image pour diverses opérations, et eu droit à des royalties liées à Question pour un champion. Mais le fisc a découvert que la rémunération de tous ces à-côtés (185.203 euros sur 2001-02) ne lui était pas versée personnellement, mais atterrissaient dans deux sociétés monégasques, baptisées Ace Monaco et VIP Entertainment. Il a estimé que le bénéficiaire réel de ces rémunérations était bien Julien Lepers, et a donc imposé d'office ces sommes.
Enfin, et non des moindres, le fisc a aussi découvert 112.000 euros de revenus non déclarés, et les a réintégrés comme "revenus d'origine indéterminée". Julien Lepers a argué -mais en vain- que ces 112.000 euros "résultent d’économies accumulées depuis plusieurs années et conservées à son domicile, et avoir perdu cette somme lors d’une escroquerie dont il a été victime lors de la vente de son appartement à Paris" (sic).
Pugnace, Julien Lepers a contesté les deux redressements devant les tribunaux administratifs, mais a été débouté sur quasiment tout. Le second redressement (qui s'élevait à 197.746 euros) a été intégralement confirmé. Pour le premier redressement, il a juste été dispensé des pénalités de mauvaise foi sur 307.930 euros qu'il avait déduits de ses revenus. Pour le reste, la cour administrative d'appel a estimé :
"l'administration fiscale, en retenant l’importance et la répétition des déductions irrégulières opérées en matière de dépenses professionnelles, très supérieures aux revenus, doit être regardée comme apportant la preuve de l’intention de M. Lepers d’éluder l’impôt et, par suite, de sa mauvaise foi".
Toutefois, Julien Lepers a échappé au pire : la procédure est restée au civil, et le fisc a choisi cette fois de ne pas engager de poursuites pénales, ce qui aurait pu faire tomber le sursis prononcé en 1994...
Contacté, l'avocat de Julien Lepers, Laurent Mosser, répond : "la morale de cette affaire est qu’il faut raison garder dans les déductions de charges et la présentation de ses revenus afin d’éviter les tracas".