Interrogé par Marie-Claire le 4 janvier, Yann Moix, bientôt 51 ans, déclare être «incapable d'aimer une femme de 50 ans [...]. Je trouve ça trop vieux. Quand j'en aurai 60, j'en serai capable. 50 ans me paraîtra alors jeune». Cette attirance amoureuse est-elle un rejet ?
Même pas. «Ça ne me dégoûte pas, ça ne me viendrait pas à l'idée. Elles sont invisibles. Je préfère le corps des femmes jeunes, c'est tout. Point. Un corps de femme de 25 ans, c'est extraordinaire. Le corps d'une femme de 50 ans n'est pas extraordinaire du tout.»
La mécanique est bien rodée de nos indignations aussi intenses qu’éphémères. Ces propos suscitent rapidement un torrent de messages pour montrer à Moix qu'il avait tort. On peut rire de ces moments où les réseaux sociaux s’emballent pour quelques mots ou une phrase jugées choquantes. Ils disent néanmoins un émoi collectif plus ou moins partagé. En l’occurrence, il marque ici un des combats du féminisme : l’égalité entre les sexes avec, en filigrane, celui de ne pas voir la femme réduite par l’homme à un simple objet sexuel.
Hélas, les réactions des femmes montrent tout l’inverse.
De son compte Instagram, Rachel Bourlier, «bientôt 47 ans et alors ?», s'afficha en maillot de bain.
Une quinquagénaire «répugnante et normande» fit de même sur Twitter.
Instagram encore, où Colombe Schneck montra ses «fesses d’une femme de 52 ans», indiquant à Moix qu’il perdait quelque chose : «tu ne sais pas ce que tu rates». Ces fesses nous piégèrent.
Ces fesses étaient belles. Ces fesses étaient encore belles. Ces fesses étaient encore visibles, encore baisables. Ces fesses niaient leur âge. Leur beauté résidait là, dans leur capacité à nier le temps. Implicitement, nous admettions que Moix avait raison. Nous admettions un besoin de beauté plastique, de norme, de statuaire grecque pour plaire, être désirable, être encore visible. Il importait de montrer que l'on pouvait malgré l'âge garder un corps jeune.
Il fallait au fond que des femmes se mettent à poil même pour montrer à un macho qu’il avait tort. Fin décembre, on avait gueulé contre la pub Aubade, jugée sexiste, et elle avait été retirée de la façade des Galeries Lafayette. Début janvier, on montrait docilement son cul à Yann Moix qui ne nous jugeait pas désirables.
S'ensuivirent des démonstrations tout aussi prévisibles, à grands renforts de quinquas célèbres. Marina Foïs compta les mois où Yann la désirerait encore. Passèrent des photos de Sophie Marceau et de Halle Berry, 52 ans aussi. Enora Malagré parla de Julia Roberts. Pour combattre le jeunisme, on montre toujours des femmes qui ne font pas leur âge. D'octogénaires, point.
Tant de bonne volonté pour un résultat aussi pitoyable ? Dans ces démonstrations, on avait oublié les corps anonymes, les fatigues de la chair, la vie qui marque, abîme, déchire, amollit. Ça manquait cruellement de rides, de cernes sous les yeux, de cheveux gris, de peaux flasques, de gras, de poils, enfin ça manquait d’ordinaire, ça manquait d’âge ! Comme si le désir se conjuguait forcément à l’allure jeune, à la peau ferme et sans les imperfections du temps –ou de la nature. Et pourquoi imperfections d’ailleurs ? Il y avait dans ce déferlement quelque chose d’un concours de beauté. Tout le monde crachait à la gueule de Moix, mais tout le monde voulait être baisable.
Dans cette étrange unanimité, on pouvait imaginer Moix triomphant en silence, observant la parade des instagrameuses, vexées d’être refoulées au paradis du désir malgré les crèmes anti-âge ou le botox. À 50 ans, on est encore bonne, merde Yann, ouvre les yeux! Il lui suffirait à présent de poursuivre : une femme non épilée ? Je ne peux pas. Une femme sans lingerie ? Impossible. Grosse ? Jamais ! Maigre ? Vous rigolez... Rousse ? Hors de question ! Noire ? Allons donc ! Et il obtiendrait une avalanche de photos montrant que, ben si Yann, c’est possible, baise-Moix.
Rien de plus pathétique que cette manière de s’offrir au regard de Yann Moix, promu scrutateur de miss Quinqua, sommée au fond de dire «prends-moi» tandis qu'il murmurerait, dédaigneux : «Là, je prends... ça, je prends pas...».
Aucun piège ne fut évité. On renvoya l'écrivain à son âge, ses 50 ans, à son physique. Lui non plus n’était pas baisable. Il était vieux et moche. On railla ses poches sous les yeux. Implicitement, on lui donna raison d’associer laideur et âge. De fixer une barrière du temps au désir. Personne ne veut de toi, Yann: tu as plus de 50 ans.
On évoqua son sexe en termes simples : il paraît que tu as une petite bite, un «micro kiki», lui asséna Valérie Damidot. Et ? Un sexe mesurable donc misérable ? Des années d’
On polémique pour tout et rien, on ne peut plus s'exprimer de nos jours, sans que ça choque, à croire qu'il faut être faux cul...