Signe d’un climat sécuritaire tendu, le gouvernement tunisien a décidé vendredi 5 juillet d’interdire « pour des raisons de sécurité » le port du niqab dans les institutions publiques. Cette mesure intervient une semaine après un double attentat-suicide meurtrier visant la police et perpétré à Tunis le 27 juin. Revendiqué par le groupe djihadiste État islamique (EI), celui-ci a fait deux morts, un policier et un civil, et sept blessés.
La sécurité s’est sensiblement améliorée ces dernières années dans le pays, mais l’état d’urgence instauré en novembre 2015 a été sans cesse renouvelé depuis. Il l’a été à nouveau le 28 juin, au lendemain du double attentat, pour une durée d'un mois.
La circulaire signée par le premier ministre Youssef Chahed et adressée aux ministres, aux secrétaires d’État, aux préfets et aux responsables des institutions publiques, indique que « dans le cadre de la préservation de la sûreté publique (…), il faut prendre les mesures nécessaires pour interdire l’entrée aux locaux des institutions publiques (…) à toute personne ayant le visage couvert ». Le texte ne précise pas quand la décision entrera en vigueur, ni si elle est provisoire.
La décision du gouvernement a été acceptée avec des réserves par La Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH). Celle-ci a demandé que cette interdiction reste « temporaire » « Elle ne doit pas durer après la reprise d’une situation sécuritaire normale en Tunisie », a réagi Jamel Msallem, président de la LTDH. « Nous sommes pour la liberté de l’habit, mais aujourd’hui avec la situation actuelle et les menaces terroristes en Tunisie et dans toute la région nous trouvons des justifications à cette décision », a-t-il commenté.
En Tunisie, le port du niqab fait l’objet d’un vif débat, notamment entre militants politiques séculiers et islamistes. Cette tenue n’était pas tolérée sous le régime du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, qui réprimait toutes les formes d’islamisme, mais elle a connu un certain essor depuis la révolution de janvier 2011.
En 2012, l’université de la Manouba à Tunis avait été le théâtre de heurts entre salafistes soutenant le port du niqab pour les étudiantes et les partisans de son interdiction, imposée par le règlement de l’université.
En février 2014, le ministère de l’Intérieur avait autorisé la police à procéder à un « contrôle renforcé » des personnes portant ce voile, justifiant cette mesure par la lutte contre « le terrorisme », notamment « en raison du recours de suspects au niqab (…) pour se déguiser et fuir la justice ».
Après les attentats sanglants en 2015 ayant ciblé des forces de sécurité et des touristes, des voix se sont levées pour imposer l’interdiction du niqab dans le pays. En mars 2016, un bloc parlementaire avait proposé une loi interdisant de dissimuler le visage dans l’espace public, mais le parlement ne s’est pas prononcé sur la question.
En Tunisie, seul le parlement est normalement habilité à interdire le port du niqab dans l’espace public. Le gouvernement n’a pas précisé s’il entendait le consulter.