« Mallaury, Mallaury !» Devant la villa qui héberge le tournage des « Mystères de l'Amour », ce mercredi à Cergy (Val-d'Oise), une dizaine de fans de la série de TMC ont reconnu Mallaury Nataf. « On est heureux de la revoir », clament-ils. Après une descente aux enfers de huit ans, qui a mené la comédienne de 47 ans à la rue et lui a fait perdre la garde de ses trois enfants, la voilà à nouveau sur un plateau.
Toujours soucieux de l'aider, le producteur Jean-Luc Azoulay, qui l'avait lancée dans « le Miel et les abeilles » en 1992, lui a proposé et écrit un rôle récurrent dans sa nouvelle sitcom à succès (2 millions de téléspectateurs par semaine, avec le replay et les rediffusions). Celui du personnage de Lola (clin d'œil à son premier rôle), la cousine d'Hélène, de retour après 25 ans passés dans une tribu au Pérou.
Le Parisien a longuement rencontré Mallaury Nataf lors de son troisième et dernier jour de tournage avant une pause estivale. Elle reprendra comme toute la bande fin août, avant la diffusion de cet épisode en septembre. Derrière les pensées qui s'entrechoquent, le débit rapide et le discours tranché auquel elle nous a habitués, elle laisse apparaître pour la première fois sa grande sensibilité et sa souffrance de mère.
Comment êtes-vous revenue devant la caméra ?
MALLAURY NATAF : Je vais te dire toute la vérité, car j'ai décidé de dire la vérité le jour de la naissance de mon premier enfant. Il y a sept-huit mois, Jean-Luc (NDLR : Azoulay, le producteur) avait écumé les médias pour demander de mes nouvelles. J'ai vu ça de chez moi et j'ai trouvé qu'il abusait. Je me disais : « De quoi se mêle-t-il ? » Les six mois suivants, j'ai fait des petits boulots, trois fois boulangère, une fois poissonnière, à Paris. J'aimais bien, mais au bout d'un moment, on me reconnaissait et ce n'était pas très évident à vivre.
Alors vous avez appelé Jean-Luc Azoulay…
Oui, je l'ai rappelé. Et il m'a tout de suite proposé de tourner. J'ai compris que sa démarche était vraiment bienveillante.
Cela fait quoi de retourner ?
Ce n'est pas un plaisir, mais l'équipe et le tournage sont un plaisir. C'est très décontracté. Il n'y a rien de compliqué pour moi qui ait pris quatre ans de cours de théâtre et fait du théâtre tous les jours pendant neuf ans jusqu'en 2003. Avant et après « La ferme célébrités 2 » en 2005, j'ai aussi fait plein de courts-métrages, des trucs underground, gothiques, bien barrés, dont un où je me suicide avec du vernis à ongles. Je suis un peu spéciale.
Moi, je ne dis pas sans domicile fixe, mais nomade. Je suis descendante de tribus nomades de Judée.
Vous étiez sur un trottoir parisien...
Oui, je vous avais envoyé promener. Je n'avais pas envie de parler. Je méditais, je fais de la méditation transcendantale depuis l'âge de 20 ans… J'ai passé trois ans et demi à marcher, tous les jours, dans le 93, le 94, à Paris. Des très riches aux très pauvres, dans les cités, dans toutes les rues de Paris. Je marchais entre 10 et 15 heures par jour, je lisais quatre-cinq heures par jour les journaux. « Le Parisien », je le lis tous les jours de la première à la dernière ligne. J'ai tout lu, tout vu. Cela m'a refabriqué mes structures mentales.
Quelle est votre vie aujourd'hui ?
Je suis logée depuis trois ans. Je vis en colocation avec un écrivain de science-fiction. Je continue à toucher des petits droits, 24 ans après « Le Miel et les Abeilles », ma mère m'aide financièrement — c'est la seule que j'ai gardée dans mon entourage — et j'ai pris le RSA (NDLR : revenu de solidarité active). Tout ça cumulé fait que, depuis trois ans, j'arrive à vivre à peu près normalement, même si ce n'est pas facile après être tombée aussi bas.
Je n'ai plus d'autorité parentale sur aucun des trois. Je ne veux pas trop en parler mais je ne reverrai plus mes deux aînés (NDLR : de 19 et 21 ans). Je ne suis pas d'accord avec l'éducation qu'ils ont reçu depuis six ans et demi, avec ce qu'ils sont devenus, et je ne transige pas avec ça. Je les ai eus au téléphone, ils s'en moquent. Notre amour était vraiment fusionnel et cet amour n'a pas tenu. Et moi je ne côtoie les gens que par amour. Je ne suis pas une technicienne de la chose.
L'amour était fou entre nous, fou, et si je n'ai pas cet amour-là, c'est fini, il est mort. Je les ai perdus physiquement et maintenant spirituellement. Cela me rend infiniment triste. C'est un martyr intérieur. Je pleure beaucoup, des océans de larmes. Quand une mère perd ses enfants, c'est beaucoup comme prix à payer. Il n'y a pas plus élevé.
Là, c'est l'Etat qui me fait l'enfer, alors qu'il n'y a aucune plainte contre moi. J'ai eu neuf juges sur mon dossier, un policier m'a avoué n'avoir jamais vu autant d'irrégularités, mais voilà, je suis Mallaury Nataf, la fille qui ne porte pas de culotte, la rebelle, celle qui refuse de rencontrer Jacques Chirac, qui a été sur écoute pendant quatre ans… Mais j'ai encore un petit espoir de retrouver Shilo. Il est ukrainien, très intéressant… Cela fait sept ans que je suis séparée de lui. Il avait deux ans et demi. Mais je suis croyante et il y a parfois des miracles.
Comment voyez-vous l'avenir ?
Je ne me projette pas dans l'avenir, je vis au jour le jour. Ma vie n'a toujours été qu'un aller-retour entre les extrêmes, le noir et le blanc, le tout et le rien. J'ai refusé d'écrire mon histoire, car c'est trop triste, ça implique presque toute ma famille et 250 des personnalités les plus importantes de France. Un directeur de théâtre parisien m'a proposé de rejouer et ça me tente bien. Avec plein de comédiens connus. Je ne suis fâchée avec personne dans le métier. A part les artistes bourgeois, ils s'en fichent tous que j'ai couché dans la rue. J'ai très envie de comédie. Vu ce que je vous ai raconté, tu comprends que ça me ferait du bien de rigoler.