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SNCF : Pénurie de billets, amendes abusives... les abonnés TGVmax pas "happy" du tout

En janvier 2017, la SNCF annonçait en fanfare le lancement de "TGVmax", sa nouvelle carte jeune, une offre illimitée à destination des 16-27 ans. Deux ans plus tard, de nombreux abonnés crient à l'escroquerie face au manque de places disponibles et aux amendes abusives qui leur sont infligées.
 
"Les jeunes ne voyageront plus en train comme avant". Au moment du lancement d'une nouvelle carte jeune, "TGVmax", en janvier 2017, la publicité de la SNCF promettait monts et merveilles aux 16-27 ans. "L'abonnement qui va vous rendre happy !", clame aujourd'hui l'espace dédié sur le site oui.sncf. L'idée : pour 79 euros par mois, les titulaires de l'abonnement (aussi connu sous le nom de code "Happy card") sont censés pouvoir voyager en illimité sur tout le réseau TGV et Intercités de France. "Moins cher qu’un aller-retour Paris-Marseille en covoiturage", souligne l'entreprise publique, vantant "le sentiment de liberté sans contraintes, le plaisir de la dernière minute, la sérénité d’un budget maîtrisé"... Mais deux ans et demi plus tard, le rêve de la SNCF s'est transformé en cauchemar pour de nombreux abonnés.
 
Beaucoup de "maxplorateurs" (comme les appelle le marketing de la SNCF) ne décolèrent pas depuis plusieurs mois : il est devenu très difficile, si ce n'est impossible, de réserver un billet avec TGVmax. Car si chaque abonné est censé pouvoir réserver autant de trajets qu'il le souhaite par mois, le nombre de places attribuées aux TGVmax par train est en revanche limité. Impossible donc de réserver quand ce quota est atteint. Un phénomène dont de nombreux témoignages assurent qu'il s'intensifie depuis le début de l'année 2019. "Je ne trouve plus du tout de billets pour rentrer chez moi en week-end", s'agace Renan, étudiant à Paris originaire de Saint-Brieuc, abonné depuis le mois de février. Afin de se tailler une part dans le maigre gâteau des places TGVmax, une technique consiste à se connecter sur l'espace de réservation 30 jours avant le trajet, à 00h10, heure où les nouveaux billets sont ouverts à la vente. "Mais cela ne marche même plus, soupire Renan. Il faut regarder tout le temps si une place est libre, en rechargeant régulièrement la page".
 
La colère des clients a fait grimper le nombre de réclamations adressées à la SNCF, sur Twitter ou par des appels à son service client. "C'est vraiment monté à partir de janvier 2019. Avant, les demandes étaient variées, maintenant ça concerne surtout le manque de disponibilités", explique à Marianne Eric*, cheminot et employé sur le centre d'appel qui gère TGVmax. Face à ce flot de protestations, la réponse de la compagnie est toujours la même : la promesse de l'illimité ne vaudrait qu'en dehors des périodes de "forte affluence". Quand la demande pour des billets de TGV est très élevée, les abonnés doivent donc s'attendre à ne pas trouver de places. L'argument pourrait calmer ces derniers si ces phases d'indisponibilité n'étaient pas aussi récurrentes : elles "correspondent au départ en week-end (vendredi en fin d’après-midi et dimanche en soirée) et aux périodes de départs en vacances", indique la SNCF.
 
Les 110.000 abonnés se sont-ils inscrits en ne pensant voyager qu'en semaine ? En réalité, la promesse initiale de la SNCF était tout autre : TGVmax devait permettre de voyager "vers toutes les destinations, tous les jours sans exception. Même les jours de grands départs", promettait l'entreprise dans son communiqué de janvier 2017. De fait, de nombreux clients y trouvaient leur compte jusqu'à ces derniers mois. Florian en fait partie : "En 2017 et 2018, j'arrivais à rentrer avec TGVmax presque tous les week-ends sans aucun souci. Mais ce n'est plus le cas depuis début 2019", raconte cet abonné. La demande de billets de TGV aurait-elle explosé au tournant de l'année ? Faute de répondre à cette question, la SNCF s'abrite derrière les conditions générale de vente (CGV) de TGVmax. Sauf que celles-ci ne précisent pas que les abonnés risquent de ne pas pouvoir réserver en période "de forte affluence". Selon Eric, cette notion n'est qu'un prétexte, en réalité brandi tout au long de l'année : "En juillet-août on invoque les vacances d'été, puis en septembre la rentrée scolaire, en octobre la rentrée universitaire, etc.".
 
Au-delà de la communication de la SNCF, comment expliquer la pénurie de billets constatée par ses abonnés ? Une cause possible serait une augmentation démesurée du nombre de clients TGVmax par rapport à la quantité de places disponibles à la réservation. Mais ils ne sont aujourd'hui que 10.000 de plus que l'année dernière : de 100.000 en janvier 2018, les abonnés sont passés à 110.000 à l'heure actuelle, selon les chiffres que nous a communiqués la SNCF. Une hausse qui paraît insuffisante pour expliquer une baisse aussi brutale de la disponibilité. La SNCF aurait-elle réduit le nombre de places réservées à ses abonnés ? L'entreprise s'en défend, affirmant au contraire qu'elle en propose 5% de plus qu'en 2018, sans toutefois préciser sur quelles périodes. Ce qui laisse envisager que le nombre de billets accessibles en week-end a bien baissé, mais a été masqué par une hausse plus importante en semaine.
 
En plus des problèmes de disponibilité, de nombreux abonnés TGVmax pointent la sévérité de la SNCF sur cette offre, qui leur vaut nombre d'amendes. D'autant que certains sont victimes d'un bug affectant le système de confirmation des billets. Ce dernier a été mis en place en novembre 2018, afin d'éviter que des abonnés réservent des places sans les occuper : désormais, ils doivent confirmer leur réservation sur Internet avant 17h la veille de leur départ, sous peine de voir leur réservation annulée. Problème : certaines sont supprimées alors même qu'ils ont bien effectué la manipulation. C'est ce dont témoigne Aurore : en février 2019, cette étudiante se présente en gare pour embarquer dans un train réservé avec TGVmax. En arrivant sur le quai, elle scanne le QR code de sa réservation sur les portiques, les barrières s'ouvrent. Mais à l'intérieur du train, le contrôleur ne trouve pas son billet. "Pourtant j'avais bien confirmé le trajet, et il était visible comme validé dans mon application", raconte la jeune femme. Elle n'est pas un cas isolé : "De nombreux abonnés ont subi des amendes à cause de ce bug", confirme Eric, le téléconseiller TGVmax.
 
Interrogée sur ce problème, la SNCF botte en touche : "Nos clients sont très satisfaits du système", assure l'entreprise. Elle est pourtant bien au courant de ce bug, et depuis longtemps, maintient Eric : "On a eu des réclamations pour des annulations injustifiées dès la mise en place du dispositif". Dans un message envoyé en décembre 2018 à ses employés, la SNCF évoque bien ce problème informatique, mais en partie seulement : "Certains QR Code d'e-billets TGVmax annulés permettent d'ouvrir les portes [d']embarquement", indique ce document, que Marianne a pu consulter. Une information assortie d'une consigne de discrétion : "Info interne - à ne pas communiquer aux clients".
 
En revanche, la lettre n'évoque pas l'aspect le plus problématique pour les clients : l'annulation automatique de certains billets pourtant confirmés. En cas de réclamation d'un "client verbalisé", les conseillers sont seulement invités à vérifier que "son billet n'ait pas été confirmé", et à "lui rappeler qu'il est interdit de monter à bord d'un train sans titre de transport". Mais pas à lui rembourser son amende en cas d'annulation injustifiée… "Au début, on remboursait au cas par cas, rapporte Eric. Mais ensuite, on a eu la consigne de ne plus annuler aucune amende, pour ce motif ou pour un autre". "Nous n’avons pas transmis de telles consignes", se défend la SNCF auprès de Marianne.
 
Même s'ils sont dotés d'un billet valable, les abonnés ne sont pas à l'abri d'une amende… Au moment du contrôle, ils doivent encore prouver leur identité, afin d'éviter que leur abonnement soit utilisé par un tiers. Et pas avec n'importe quel document, sous peine d'être verbalisé. Léa a connu cette mésaventure lors d'un voyage début mai : "Ayant perdu mon portefeuille avec ma carte d'identité à l'intérieur, je n'avais que mon permis de conduire sur moi. Mais le contrôleur m'a dit que cela ne suffisait pas pour prouver mon identité". En effet, les CGV de TGVmax n'incluent que le passeport et la carte d'identité comme pièces acceptées. Et refusent le permis de conduire, pourtant considéré comme un document officiel d'identité par l'administration française ainsi que par… la SNCF, pour toutes les réservations autres que TGVmax !
 
Après de nombreuses protestations de ses abonnés, la SNCF a incité ses contrôleurs à faire preuve de clémence. Une lettre envoyée en janvier 2019, que Marianne a pu consulter, les enjoint ainsi d'accorder "une souplesse" à "l'ensemble des voyageurs présentant leur permis de conduire". Ce qui n'a pas empêché Léa d'être verbalisée quelques mois plus tard. "C'est au bon vouloir du contrôleur", souligne Eric. Les CGV n'ayant pas été modifiées, ces derniers sont toujours libres de les appliquer… et d'empocher leur pourcentage sur le montant facturé. Cerise sur la prune : les abonnés ne sont pas verbalisés pour défaut de pièce d'identité (la catégorie n'existe pas) mais pour avoir voyagé "sans titre de transport". Or les amendes pour ce motif peuvent être très salées : 120 euros dans le cas de Léa. Ironie de l'histoire : au moment d'établir la facture, le permis a cette fois suffi au contrôleur pour reconnaître son identité…
 
Mais les ennuis des clients TGVmax en cas de défaut de pièce d'identité peuvent aller encore plus loin. "Si le contrôleur nous a bien signalé l'infraction, nous résilions leur abonnement", explique Eric. Ce n'était pas le cas avant janvier 2019 : la SNCF n'a introduit ce motif de résiliation que dans la dernière version des CGV. Une nouveauté assortie d'un "renforcement process pièces d'identité", inculqué aux contrôleurs par une lettre diffusée à la fin du même mois. Les agents de bord y sont priés de se montrer intransigeants : "En cas de non-présentation de document officiel", l'abonnement sera "résilié automatiquement". Ce que ne précise pas ce document, c'est que la punition ne s'arrête pas à la simple résiliation. Si le client est abonné depuis moins d'un an, il doit régler des frais de 15€. Et c'est beaucoup plus si la résiliation intervient dans la période d'engagement, c'est-à-dire les trois premiers mois. Dans ce cas, il est redevable des trois premières mensualités de son abonnement, soit 237€. La facture a de quoi faire tiquer : l'abonné doit payer, alors même que l'interruption de l'abonnement n'est pas de son fait ! Et peu importe s'il s'est fait éjecter au bout de quelques trajets seulement, ou s'il a présenté son permis de conduire.
 
Auprès de Marianne, la SNCF justifie ces résiliations par sa volonté de dissuader "l'utilisation par des tiers de l'abonnement". À croire que les amendes ne suffisaient pas à décourager les resquilleurs… Une autre explication serait une stratégie visant à réduire le nombre d'abonnés. Eric en est convaincu : "Lors d'une réunion interne en avril 2018, on nous a informés que la SNCF voulait limiter le nombre d'abonnés à 100.000, se souvient le téléconseiller. Mais comme on ne peut pas bloquer de nouvelles souscriptions, je pense qu'ils veulent y arriver en résiliant des abonnés". L'entreprise publique s'est-elle rendu compte que son abonnement n'était pas rentable, et qu'il serait temps de limiter les pertes avant l'ouverture à la concurrence en 2020 ? Pas du tout, affirme la SNCF auprès de Marianne : "Plus nous avons de voyageurs et des jeunes à bord de nos trains, plus nous sommes contents".
 
Beaucoup d'abonnés n'ont pas attendu d'être résiliés par la SNCF pour quitter le navire TGVmax. "Avec un tel manque de billets depuis début 2019, ce n'était plus du tout intéressant", explique Florian, qui a cessé son abonnement il y a quelques semaines. D'autres envisagent d'abandonner les voyages en TGV : "J'ai dépensé 1.000€ l'année dernière, alors que des trajets en avion avec une carte de réduction m'auraient coûté beaucoup moins cher", s'agace Victor. Comme beaucoup des abonnés contactés, cet étudiant en économie se réjouit de la fin prochaine du monopole de la SNCF. À partir de décembre 2020, l'entreprise publique sera concurrencée par d'autres transporteurs sur ses lignes TGV. Mais les clients ne doivent pas attendre grand-chose de cette libéralisation, craint Eric : "La concurrence, on en subit déjà les prémices, le service public n'existe plus dans les plans de la direction. Tout ce qui reste, c'est une volonté de faire du chiffre". Un max de chiffre.
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