Conscients du danger mais accros à leur smartphone, trois quarts des Français (76 %) estiment qu'un durcissement des sanctions est la solution la plus dissuasive pour les empêcher d'utiliser leur téléphone au volant. C'est ce que révèle une étude Harris Interactive pour l'Association des sociétés d'autoroutes (ASFA) publiée vendredi. Celle-ci a ciblé les dangers de l'autoroute en hausse constante, car, morne et à vitesse peut-être trop limitée pour les caractéristiques des grands axes lorsqu'ils sont peu fréquentés, elle pousse les usagers à se distraire.
Non seulement l'étude met en évidence la généralisation de l'utilisation des smartphones et GPS, mais il y a aussi les tablettes et autres écrans utilisés par les automobilistes au volant, surtout sur autoroute. Alors que 93 % des Français se déclarent conscients des dangers que cela représente, 1 sur 3 admet prendre ou passer des appels, lire ou écrire des SMS ou consulter ses messageries. Pour mémoire, 15 secondes pour consulter une notification Facebook reviennent à parcourir 600 mètres sans regarder la route ! Et les choses se sont aggravées au fil des ans.
Le téléphone au volant est un danger, les Français le savent bien. Invités à classer les facteurs d'accident sur une échelle de 1 à 10, les automobilistes citent l'utilisation du téléphone au volant parmi les plus dangereux (8,4), juste derrière l'alcoolémie (8,5) et devant la drogue et les médicaments (8,3), la fatigue et la somnolence (8,3) ou la vitesse (7,8).
Mais l'addiction est la plus forte : 31 % des Français – et 41 % des moins de 35 ans – disent ne pas pouvoir se passer de leur téléphone plus d'une heure.
Plus de quatre sur dix (41 %) avouent interagir avec leur téléphone sur l'autoroute, sans toutefois le prendre en main, et 37 % l'utilisent en le tenant. Des proportions qui explosent de manière inquiétante chez les moins de 35 ans, respectivement à 69 % et 61 %. Une telle prise de risque est aussi dictée par l'ennui généré par la conduite sur autoroute et l'impression de sécurité que ce type de voie suggère.
« Un tel degré d'addiction est étonnant. (...) Que les gens utilisent leur téléphone, malheureusement, on s'en doutait. Mais qu'ils soient conscients du danger et qu'ils continuent à l'utiliser dans ces proportions, c'est une contradiction spectaculaire », relève Christophe Boutin, directeur général de l'ASFA, qui regroupe les 22 concessionnaires et exploitants gérant 9 174 des 12 000 kilomètres d'autoroutes françaises.
L'effet générationnel ajoute à l'inquiétude. « Si les jeunes, qui ne représentent aujourd'hui que 18 % des utilisateurs de l'autoroute, ont ce comportement, ça veut dire que, demain, la majorité des conducteurs aura ce comportement. C'est très préoccupant », souligne M. Boutin.
Aveu ultime d'addiction, trois Français sur quatre estiment que le meilleur moyen d'enrayer cette pratique est de la punir plus sévèrement (76 %) ou de mettre en place des règles plus strictes (75 %). « C'est rare en sécurité routière que des Français demandent des sanctions plus sévères. Généralement, le mouvement est plutôt inverse », s'étonne M. Boutin.
Le gouvernement a déjà annoncé son intention de renforcer l'arsenal répressif. Un article de la loi d'orientation des mobilités (LOM), actuellement en débat au Parlement, permettra aux forces de l'ordre de suspendre le permis d'un automobiliste qui commet une infraction tout en utilisant son téléphone portable.
« C'est totalement insuffisant », selon Jehanne Collard, avocate spécialisée dans la défense des victimes de la route. « Comme pour l'alcool et la drogue, on doit sanctionner l'usage du portable par des peines de prison alourdies quand il fait des morts ou des blessés sur la route », a-t-elle réagi dans un communiqué.
L'usage simple du téléphone au volant, tenu en main ou avec oreillette, casque ou kit mains libres, est, lui, puni d'une amende de 135 euros et d'un retrait de 3 points.
Étude réalisée en ligne du 12 au 19 octobre 2018 auprès d'un échantillon de 1 500 personnes représentatif des Français âgés de 18 et plus, selon la méthode des quotas.