Condamné une deuxième fois et de manière définitive pour « provocation à la haine raciale », le 17 septembre, le polémiste, essayiste, journaliste, chroniqueur et animateur Eric Zemmour continue de bénéficier d’une place de choix dans certains médias.
Samedi 28 septembre, son discours xénophobe et islamophobe prononcé lors de la « convention de la droite », organisée à Paris par des proches de Marion Maréchal, a ainsi été retransmis en direct et en intégralité sur LCI.
Premier intervenant de l’événement censé porter sur « l’alternative au progressisme », Eric Zemmour s’est lancé dans une violente diatribe à l’islamophobie assumée, visant les musulmans, qui, selon lui « se comportent en colonisateurs ».
Une intervention suivie, sur LCI, d’une séquence d’analyse en plateau avec trois éditorialistes et un chroniqueur. Si Marie-Eve Malouines, éditorialiste politique, et Olivier Gracia, essayiste conservateur, ont surtout noté le « passéisme », l’« amertume » et la « rancœur » de l’intervention de M. Zemmour, l’écrivain Dominique Jamet, dont la famille est proche de celle des Le Pen, a rapidement critiqué les propos du polémiste :
« Il a mêlé dans son intervention des choses qui ne sont pas fausses et une quantité incroyable de faux et de n’importe quoi, une vision apocalyptique. (…) Ça me rappelle l’intervention de Goebbels : “Voulez-vous la guerre totale ?” C’était du même niveau », a-t-il commenté, faisant référence au discours prononcé le 18 février 1943 par le ministre nazi de la propagande exhortant le peuple allemand à poursuivre la lutte après la défaite de Stalingrad.
Au-delà du fond du discours, c’est surtout le choix de LCI de le diffuser complètement et en direct qui a suscité l’embarras de plusieurs journalistes dans la rédaction. « Zemmour, ils se disent que ça va marcher… Et, là, gros malaise, le discours était incroyablement hardcore », raconte un reporter. La société des journalistes doit rencontrer la direction, mardi 1er octobre au matin, pour obtenir de plus amples explications sur ce choix éditorial.
Choqués, plusieurs téléspectateurs ont annoncé sur les réseaux sociaux avoir signalé la séquence auprès du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA). La chaîne venait pourtant d’être avertie par l’instance, au sujet du même Eric Zemmour, qui avait tenu des propos islamophobes sans que le journaliste Christophe Jakubyszyn (qui a depuis quitté LCI pour BFM Business) n’apporte de contradiction.
Contactée, la direction de LCI reconnaît à demi-mot une erreur :
« A posteriori, le discours sans contradiction ne s’inscrit pas dans les formats de LCI. Le format de LCI, c’est le débat, dans des formats longs, avec des points de vue opposés et contradictoires. Hier, il y a bien eu contradiction et déconstruction des propos d’Eric Zemmour, mais c’était après-coup. La diffusion du discours dans l’état n’était pas le format approprié pour notre chaîne. »
La première chaîne d’information, lancée en France en 1994, diffusée gratuitement depuis avril 2016, a souhaité cette année se démarquer de ses rivales – CNews, BFM-TV et Franceinfo – en plaçant la politique en priorité de sa vingt-cinquième saison. Depuis quelques années, l’audience progresse grâce au passage en clair et à la levée de l’interdiction de la promotion croisée autorisant TF1 à faire de la publicité pour sa chaîne spécialisée.
Au premier semestre, la chaîne d’information en continu du groupe TF1 a capté 1 % de parts d’audience, devant CNews (0,8 %) et Franceinfo (0,4 %). LCI est désormais lancé à la poursuite du leadeur BFM-TV, spécialiste du direct tous azimuts (2,3 % des parts d’audience).
De son côté, Edouard Philippe, à l'unisson de plusieurs ministres, a condamné dimanche "les discours nauséabonds" entendus la veille lors de la "convention de la droite" organisée par les proches de Marion Maréchal, marquée notamment par une sortie très dure du polémiste Eric Zemmour. "Ce week-end restera marqué aussi par une réunion dont je ne veux pas citer le nom, mais qui me frappe par la violence et la tonalité des propos qui ont été prononcés. Cette prétendue convention a donné lieu à des discours que je trouve nauséabonds et profondément contraires à l'idée que nous nous faisons de la France et de la République", a souligné le Premier ministre.