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Dr Martens, la contre-culture au pas

Entre modèles iconiques ou en passe de le devenir, «Libération» consacre une chronique hebdomadaire à des passionnés qui se racontent à travers leurs pompes. Aujourd'hui portrait de la Dr Martens à travers les souvenirs de Dorian.
 
Plébiscitées, moquées, ou remise au goût du jour. Les chaussures sont perçues comme le reflet d’une époque, de communautés, d’une personnalité. Entre modèles iconiques ou en passe de le devenir, Libération consacre une chronique hebdomadaire à des passionnés qui se racontent à travers leurs pompes.
 
Ce sont bien plus que deux bottillons de cuir. Les Dr Martens ont au fil des années atteint le statut d’icône. Et ont participé de leur semelle en coussin d’air à écrire une bonne partie de l’histoire des mouvements de contre-culture. Une histoire dans laquelle s’inscrit Dorian, 22 ans, un irréductible «docké», propriétaire d’une dizaine de 1460, le modèle original. Il a fait sa première acquisition il y a trois ans. Diabétique insulino-dépendant depuis ses 13 ans, le jeune homme a des pieds très fragiles : «Les Dr Martens ont été mon choix de prédilection car c’est bien connu, le confort est juste incroyable. Je n’ai plus aucune douleur aux pieds.»
 
Un argument qui a une résonance toute particulière. Flash-back. C’est en 1946 que la chaussure voit le jour. Un médecin allemand, Klaus Märtens, se casse le pied en faisant du ski. Pour aider à sa convalescence, il crée une chaussure à partir de vieux pneus. La Doc est née. D’abord portées par les sexagénaires, ces chaussures sur coussin d’air deviennent ensuite l’apanage des ouvriers. Entre-temps, en 1960, l’anglais Bill Griggs rachète la licence de production et anglicise le nom en Dr Martens (plus vendeur). La première Doc sort d’usine le 1er avril 1960 (d’où le nom de 1.4.60) avec ses huit œillets et sa couleur rouge cerise. Surpiqûre en jaune (couleur de la sécurité en milieu industriel), semelle rainurée permettant de voir l’usure, elle s’affiche aux pieds des facteurs, travailleurs du bâtiment ou encore employés du métro londonien. Même les policiers s’y mettent dans les années 70 (avec la surpiqûre passée au stylo noir).
 
Après une chute des ventes vertigineuse au début des années 2000 et la fermeture de nombreuses usines, les chaussures MIE («made in England»), sont devenues une denrée rare (1 000 paires par an) courue par les initiés. Les autres productions étant confectionnées en Asie. Dorian : «Ma deuxième paire – j’ai perdu la première – est une 1460 MIE offerte par ma compagne, que j’ai d’ailleurs rencontrée sur le groupe Facebook "Dr Martens un jour, Dr Martens toujours". Elles ont une vingtaine d’années mais sont dans un état presque parfait. C’était important pour moi que ça soit des originales.» Dorian voit dans ses 1460 une façon d’afficher sa singularité. «L’aspect est très différent des chaussures que l’on voit aujourd’hui. C’est rare de croiser des dockés, donc souvent quand c’est le cas, on se fait un petit sourire ou même un petit compliment. C’est une sorte de grande famille.»
 
Un moyen aussi d’affirmer sa personnalité. «Les Dr Martens sont associées au rock au sens large, mon père est DJ et m’a fait baigner dedans depuis que je suis petit. C’est comme les gens qui arborent fièrement leur tee-shirt Nirvana ou des Stones. A travers mes Docs, j’essaie de faire comprendre au premier regard ce que j’écoute.» Son choix détonne au milieu des hordes de sneakers dans la cour de récré : «Je suis de 1996, le fait que je porte des Docs est déconnecté de mon époque. Je n’ai jamais connu personne qui en portait quand j’étais au collège et lycée. Ça m’a même valu des petites moqueries.»
 
La paire fétiche de Dorian, customisée à la pyrogravure, évoque le «do it yourself» punk. Une inspiration logique. Passée sa période ouvrière, les Dr Martens ont été récupérées par les skinheads à la fin des sixties. Vite rejoints lors des années 70 par les punks. On passe du crâne rasé à la crête colorée, mais avec toujours des Docs aux pieds. A partir de ce moment-là, l’étiquette de pompes des contre-cultures ne les quittera plus. Amateurs de rock, de heavy metal, de ska, de grunge ou encore de nu metal les choisiront aussi comme emblèmes. Les leaders de ces différents mouvements musicaux participeront largement à faire connaître la marque tout autour du globe. Joe Strummer (The Clash), les Sex Pistols, Kurt Cobain (Nirvana) sans oublier Pete Townshend (The Who), le premier à exporter les boots par-delà l’Atlantique. Avec en prime un hommage rendu dans son titre Uniform.
 
Dépassées par les baskets dans les années 2000, les Docs ont été remises au goût du jour ces dernières années sur les podiums. Jean Paul Gaultier et Yohji Yamamoto en tête. Les modèles sont désormais très variés : bas, hauts, à paillettes, à talons, véganes, plus légères, style sneakers ou encore roses (popularisées par Nicki Minaj dans son clip Super Bass), Dr Martens ratisse large. Au point de perdre son âme ? Dorian : «Si des stars de tout style s’y mettent, j’ai peur que l’identité des Docs soit un peu effacée. Mais ça ne m’arrêtera pas d’en porter.»
 
En trois ans, ses Docs ont été les témoins privilégiés de morceaux de vie du jeune homme. Comme ce jour à la Réunion où avec son père ils ont monté le Piton de la fournaise. «Une fois au sommet, la pluie a commencé à tomber, et ce pendant près de cinq heures. Toute la descente, raide et rocheuse, était très glissante. Sans Docs, je me serais cassé les chevilles une bonne dizaine de fois.» Fidélité et fiabilité.
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