Emotion et regret. Voilà comment la Société des rédacteurs (SDR) de CNews résume sa position au lendemain de l'officialisation par le groupe Canal+ de l'arrivée d'Eric Zemmour, qui débutera à l'antenne lundi prochain à 19 heures.
Après plusieurs semaines de grogne, les journalistes ont une nouvelle fois rencontré Serge Nedjar, le directeur de CNews, et Thomas Bauder, le directeur de l'information, ce vendredi matin. « La SDR de CNews regrette le choix de la direction d'offrir un espace d'expression quotidien à M. Eric Zemmour, en dépit de sa récente condamnation pour provocation à la haine religieuse et de ses propos tenus lors de la convention de la droite », indique-t-elle dans un communiqué.
Les journalistes de la chaîne info de Canal +, qui réclament davantage de moyens depuis 2016 et la grève qui a généré près de cent départs au sein de la rédaction, précisent avoir obtenu de la direction de CNews des « garanties par écrit ». « Elle nous a assuré qu'il n'y aurait pas de tribune sans filtre offerte à Monsieur Zemmour, qui promet de son côté ne pas poursuivre d'ambitions électorales ou partisanes personnelles », poursuit-elle dans ce texte.
« Nous espérons que la direction, conformément à ses engagements, saura se montrer vigilante à la bonne tenue des débats auxquels participera M. Zemmour, dans le respect du droit et des valeurs de la chaîne. » Les journalistes de la SDR indiquent en outre qu'ils continueront à faire leur travail avec « rigueur, honnêteté et professionnalisme ».
De son côté, le syndicat autonome de Canal +, +Libres, « désapprouve avec la plus grande fermeté » l'arrivée d'Eric Zemmour sur CNews. Dans un communiqué très musclé, il explique que la condamnation du polémiste pour provocation à la haine religieuse « discrédite » la chaîne et le groupe, dont l'image « se trouve entachée par ce grave manquement à l'éthique », et accroît le « risque de voir sa rédaction replonger dans une grave crise ».
+Libres adresse aussi un tacle appuyé à Vincent Bolloré, à qui le syndicat reproche d'agir « pour servir des intérêts financiers ou personnels dans le plus grand mépris des collaborateurs qui ont contribué depuis 35 ans à construire ce groupe ». Avant d'appeler ses dirigeants à « préserver » l'image du groupe Canal+ « plutôt que d'engendrer un énième buzz destructeur de valeur ».
Eric Zemmour participera comme éditorialiste à « Face à l'info », chaque soir, du lundi au jeudi, de 19 heures à 20 heures. Une heure de débats sur l'actualité, en direct, pour cette émission en deux parties, orchestrée par la journaliste Christine Kelly. Le polémiste y interviendra en première partie parmi trois autres éditorialistes (Eric Revel, Eric de Riedmatten, Marc Menant), avant un face-à-face d'une demi-heure avec une personnalité.
Parmi les premières, selon Le Parisien : les philosophes Bernard-Henri Lévy et Michel Onfray. « Eric Zemmour ne sera en aucun cas la voix de CNews, ce sera une des voix sur CNews », s'est défendu Gérald-Brice Viret, le directeur des antennes du groupe Canal +.
Avec cette arrivée, l'émission « Punchline » de Laurence Ferrari est avancée de 19 heures à 17 heures. Doublée par LCI en nombre de téléspectateurs, CNews cherche à redresser la barre et mise sur Eric Zemmour pour booster l'audience de la tranche ultra-concurrentielle du 19 heures-20 heures, où elle attire presque deux fois moins de téléspectateurs que ses concurrents (82 000 téléspectateurs jeudi dernier avec « Punchline » de Laurence Ferrari).
Au global sur la journée, pour le mois de septembre 2019, la part d'audience moyenne de CNews s'établit à 0,7 %, derrière BFMTV (2 %), LCI (0,9 %), mais devant France Info (0,5 %).