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Guillaume Durand : "Europe 1 m'a approché à plusieurs reprises, mais j'ai décliné à chaque fois car je suis attaché à ma liberté"

« Vous pouvez photographier mon jogging, ça m'est égal ». Ce samedi, Guillaume Durand est loin de l'image de dandy qui lui colle à la peau. C'est en survêtement vert sapin qu'on le retrouve. À 67 ans, la figure de la matinale de Radio Classique de 7h30 à 9 heures, station qui appartient au groupe « Les Échos - Le Parisien », a toujours la forme, et ne se fait pas prier pour évoquer Jacques Chirac, Eric Zemmour et ses petits camarades journalistes.
 
Vous êtes depuis plus de dix ans à la tête de la matinale de Radio Classique. Comment expliquez-vous une telle longévité ?
 
GUILLAUME DURAND : Je suis un affectif. Je me sens bien dans cette rédaction de gens passionnés par la musique et la politique. Personne n'a le cerveau formaté, à l'image de Philippe Tesson, (NDLR : qui intervient dans la matinale). Il adore Sarko mais le traite de psychopathe. Il trouve Hollande très sympathique, mais archi nul… Contrairement aux grandes radios qui font plus d'audiences que nous, on ne cherche pas à plaire à tout le monde.
 
Est-ce frustrant de ne pas jouer la course à l'info ?
 
Non, car les personnalités politiques de premier plan viennent chez nous ! Ils savent que c'est une radio très écoutée, notamment dans les cercles du pouvoir. Je n'ai pas manqué de propositions pour retourner ailleurs. Europe 1 m'a approché à plusieurs reprises. Mais j'ai décliné car je suis attaché à ma liberté. En 1980, à la grande époque d'Europe 1, le jour du décès de John Lennon, on avait été obligé d'ouvrir le journal de 8 heures par une déclaration fumeuse d'un ministre oublié depuis… Sur Radio Classique, on peut consacrer cinq minutes à Heidegger. Et on n'est pas obligé de chanter les louanges de Céline Dion.
 
Le flux d'actualité quotidienne vous grise toujours ?
 
Oui ! Je n'ai jamais perdu le feu. J'ai commencé ma carrière comme reporter, en Iran et en Irak. Et j'aime toujours aller voir les gens pour les comprendre. Je fais mon footing sur les Champs-Élysées le samedi. Pendant le mouvement des Gilets jaunes, je m'arrêtais pour discuter.
 
Vous avez l'image d'un homme un peu blasé, un peu dilettante…
 
Je n'ai jamais été comme ça. Je suis un faux désinvolte. Je contacte les équipes en pleine nuit quand j'ai une idée ou une question. J'écris aussi pour la presse écrite. Ma chance, c'est que quand ça s'est terminé à France Télévisions, j'ai été contraint de passer à autre chose. J'ai pris du recul avant d'être un de ses hommes blancs de plus de 50 ans à qui on tire une balle dans la tête comme dans un film de Tarantino. Je n'ai d'ailleurs pas compris pourquoi France 2 avait écarté David Pujadas. J'en ai connu des choses aberrantes, mais là… Il est tout à fait logique de vouloir féminiser la présentation des journaux, mais ils décrédibilisent totalement notre métier. C'est totalement aberrant d'arrêter une carrière sans aucune raison.
 
Vous n'envisagez pas de vous arrêter ?
 
Non. J'arrêterai la matinale dans deux ou trois saisons, car ce rythme de vie va finir par abîmer ma santé. Mais le journalisme, jamais. Mon père a 99 ans. Si j'ai ses gênes, je vais vous emmerder jusqu'à 100 ans ! Si la radio s'arrête, je ne le vivrai pas comme un drame. Je continuerai mes passions : la politique, l'art, la musique, la littérature et le tennis, etc. Et je passerai du temps avec mes 5 enfants.
 
Eric Zemmour faisait partie de vos invités réguliers l'année dernière. Pourquoi l'avoir écarté ?
 
Je ne partage pas la moindre idée de Zemmour. Il est nostalgique d'un monde qui n'existe plus. Il idolâtre Napoléon, hurle à la déchéance de la France et il a une peur excessive du monde d'aujourd'hui, qui n'est pas enchanteur évidemment. Il exprime une passion et cela se traduit par des propos excessifs. Mais il n'a jamais dérapé chez nous. Peut-être parce qu'on l'avait mieux pris en main. Mais il y avait un problème avec notre image. On a des valeurs de tolérance vis-à-vis des origines, des orientations sexuelles qu'on ne peut pas ignorer simplement pour alimenter le théâtre médiatique.
 
Est que les médias jouent un jeu dangereux en alimentant ce « théâtre médiatique » ?
 
Certainement. Mais son point de vue existe. La droitisation de la société est réelle. À CNews, ils ne le disent pas mais ils ont réussi leur coup en termes d'audience.
 
Avez-vous regardé « Le grand échiquier » ?
 
C'est bien de défendre la culture à la télévision. Elle se fait de plus en plus rare. Et c'est très sympathique de rendre hommage à Jacques Chancel. Mais il faut réfléchir à inventer la télévision des années 2020 plutôt que se retourner vers les grandes émissions de Cavada, Pivot ou Chancel. Il y a un manque de créativité aujourd'hui. À mon époque, tout était très créatif : Delarue, Nagui et Dechavanne qui était un génie. Il faisait du Louis de Funès en live. Aujourd'hui, Cyril Hanouna est très sympathique, mais on a l'impression d'être au Club Med.
 
Est-ce qu'elle vous plaît la télévision d'aujourd'hui ?
 
Je regarde surtout les chaînes info et plus beaucoup les JT. Mais il y a plein de gens qui ont du talent ! J'adore « 21 centimètres » l'émission littéraire d'Augustin Trapenard sur Canal +. C'est un type qui a l'air normal. Il n'est pas formaté, il ne se peigne pas.
 
Franck Ferrand, David Abiker, vous êtes entouré d'anciens d'Europe 1… Quel regard portez-vous sur la dégringolade de la radio où vous avez débuté ?
 
Ça me désole… Avoir laissé partir Ruquier a été une erreur colossale. Mais je n'ai aucune rancune. Je leur souhaite de retrouver une identité.
 
Vous avez présenté, avec Alain Duhamel, le débat d'entre deux tours de 1995 entre Chirac et Jospin. Quel souvenir en gardez-vous ?
 
Lionel Jospin avait oublié de prendre un pantalon. Quelqu'un lui en a prêté un, mais son costume était dépareillé. Ça avait amusé Chirac ! Après sa victoire au premier tour, le deuxième était une formalité. Et franchement, je crois que Jospin n'avait pas envie de devenir président. Ce débat était un curieux vide. Au bout d'une heure, mon trac s'est transformé en ennui.
 
Pour le débat de 1995, vous aviez été choisi au dernier moment alors que vous ne travailliez « que » sur LCI !
 
Patrick Poivre d'Arvor et Anne Sinclair étaient les superstars de TF1. Mais la proximité d'Anne avec Dominique Strauss-Kahn posait problème. Et Chirac estimait que TF1 avait roulé pour Balladur. Ma neutralité m'a servi.
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