Moins de trois mois après le spectaculaire incendie de l'usine Lubrizol de Rouen, une réouverture partielle du site Seveso est en vue après l'avis positif mardi d'un comité que le préfet a promis de suivre.
Le Comité départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques (Coderst) s'est prononcé en faveur d'une réouverture partielle, et le préfet «a confirmé qu'il suivrait cet avis», a indiqué à l'AFP la préfecture de Seine-Maritime.
Cette dernière fait état de 20 votes pour, quatre contre (Métropole de Rouen, UFC Que choisir, France nature environnement (FNE) et Union régionale des médecins libéraux) et une abstention (un maire).
L'avis du Coderst, composé de 24 membres dont six représentants de l'Etat, rejoint celui donné la semaine dernière par la Direction régionale de l'Environnement, qui avait jugé le dossier de l'entreprise «techniquement sérieux et crédible».
La préfecture a précisé mardi dans un communiqué que la réouverture concernait «deux ateliers chargés de mélange de produits» et s'accompagnait d'«une réduction drastique des stockages des produits finis conditionnés ainsi que d'une diminution du stockage de matières premières».
Le préfet Pierre-André Durand «rappelle qu'aucune réouverture totale ne pourra en tout état de cause intervenir à l'identique».
Selon une source proche du dossier, «aucune réaction chimique n’a lieu lors des mélanges» auxquels Lubrizol souhaite procéder.
Mais d'après cette source, le projet inclut notamment un «stockage d’antioxydants en poudre (matières classées +dangereux pour l’environnement+) et sous format liquide (matières classées +nocif +)».
Nombre d'élus locaux continuent de s'opposer à la reprise de ce site touché le 26 septembre par un incendie qui a entraîné un panache de fumée noire de 22 km de long et suscite toujours des inquiétudes.
Le député PS de Seine-Maritime Christophe Bouillon, qui préside la mission de l'Assemblée nationale sur cet accident, a demandé au préfet de ne pas «confondre vitesse et précipitation».
Dans un communiqué, il souhaite avant toute décision «avoir sur la table au minimum les résultats de l’enquête judiciaire».
Charlotte Goujon, maire PS du Petit-Quevilly, commune qui jouxte Lubrizol, a estimé elle aussi «prématuré en l'état d'envisager toute reprise même partielle», dans un communiqué.
«On a encore des questions sur la sécurité du site», a-t-elle déclaré devant des journalistes juste après la réunion du Coderst.
L'élue a assisté aux débats mais n'avait pas de droit de vote.
Selon une autre source proche du dossier, l'arrêté préfectoral autorisant cette réouverture partielle est prévu pour vendredi.
Mais le projet d'arrêté doit auparavant être envoyé à l'industriel qui doit transmettre ses remarques à la préfecture.
«Non à la réouverture de l’usine Lubrizol», a pour sa part tweeté le député européen EELV et élu de Rouen David Cormand.
Le parti «se donnera les moyens de recours nécessaires face à cette décision de réouverture qui ne prend pas en compte les risques sanitaires et environnementaux», a menacé EELV dans un communiqué.
«C'est très choquant ce qui s'est passé pendant la réunion. La direction de Lubrizol a fait venir le secrétaire du CSE pour (...) un pilonnage d'arguments économiques en faveur de la réouverture. La discussion technique n'a pas eu lieu», a pour sa part estimé Guillaume Blavette, le représentant de FNE au Coderst, interrogé par l'AFP à l'issue de la réunion.
A l'inverse, l'avis du Coderst a été salué par le député LREM de Seine-Maritime Damien Adam.
La directrice générale de Lubrizol France Isabelle Striga a assisté à la réunion mais les représentants de la société sont sortis avant le vote, a indiqué la DG à l'AFP.
Lubrizol emploie 370 personnes à Rouen, dont 120 dans son administration.
«Une reprise partielle des activités de Lubrizol à Rouen serait un marché de dupes», a de son côté estimé l'association Robin des bois dans un communiqué, jugeant l'activité promise à une délocalisation en Chine dans les années qui viennent.