Cricri d’amour, monsieur Girard, madame Eugénie… Si vous avez grandi près d’un téléviseur dans la France des années 1990, ces noms vous sont familiers. Ces personnages évoluaient dans Hélène et les garçons, Premiers baisers ou Le miel et les abeilles, entre autres sitcoms AB ayant fait les belles heures et belles audiences de TF1 il y a plus d’une vingtaine d’années. Ce mercredi, un documentaire diffusé à 21h15 sur TMC, Dorothée, Hélène et les garçons : Génération AB productions, retraçait le succès phénoménal de ces fictions légères dans des décors bonbonnières. Marie, toulousaine de 36 ans, cocréatrice du site La Sitcomologie, livre à 20 Minutes son éclairage sur ces séries cultes.
La « Génération AB », existe-t-elle vraiment ?
Oui, on est pas mal de trentenaires à être nostalgiques. La génération AB, c’est celle qui a grandi avec Le club Dorothée, qui a suivi les sitcoms, qui a une petite rancœur envers Ségolène Royal [jugée à tort responsable de l’arrêt du Club Dorothée], qui regarde Dragon Ball Z avec les doublages de l’époque…
C’est à cette génération que vous vous adressez. Comment définiriez-vous la « sitcomologie » ?
C’est l’analyse des sitcoms sous un angle social. J’ai créé le site avec mon compagnon. On s’est rencontrés sur le forum d’un ex-acteur AB. J’étais étudiante en filmologie et on s’est rendu compte en regardant les sitcoms qu’on en faisait des analyses un peu poussées. On a décidé de créer la sitcomologie et de rallier autour de nous d’autres membres du forum.
« Hélène et les garçons », « Les filles d’à côté », « Premiers Baisers », etc. disent-elles quelque chose sur la France des années 1990 ?
Elles ne reflètent pas vraiment les années 1990 mais un univers coloré utilisé dans les années 1990 pour se sentir mieux. C’était une bulle en quelque sorte. Jean-Luc Azoulay [le producteur et scénariste] n’avait pas du tout envie d’ennuyer le public avec la triste réalité de l’époque. C’étaient des années très sombres, les fictions AB apportaient la touche de couleur. C’est encore le cas aujourd’hui. Il y a la crise écologique, la situation économique… et je pense que si les sitcoms AB sont toujours regardées [sur la chaîne AB1, notamment], c’est aussi pour ça.
« AB et lutte des classes », « Le psychédélisme selon AB »… Vous avez différents degrés de lecture.
Oui, il y a le degré basique – on commente l’action –, le deuxième degré où l’on va voir les sous-entendus, essentiellement sexuels, et le troisième où l’on se met à analyser. Par exemple, la consommation des boissons. Dans l’univers AB, le remontant, c’est la menthe à l’eau, qui remplace le whisky. C’est ce genre de choses qu’on essaie de scruter.
Quel est le constat le plus surprenant ?
Le fétichisme des pieds. Cela à l’air surprenant mais une fois qu’on s’en rend compte, on s’aperçoit que c’est récurrent dans les séries AB : des pieds nus, des massages de pieds, des hommes qui vernissent des pieds, qui sont un peu soumis aux femmes. A l’époque on ne s’en rendait pas compte.
Il y a un épisode d’« Hélène et les garçons » à l’aura culte, celui dans lequel Hélène se drogue…
Il avait été beaucoup reproché à Azoulay de ne pas aborder les problématiques telles que le sida, la drogue. Alors il s’est dit qu’il allait tout faire en même temps et qu’il allait droguer Hélène. Mais ça a été vraiment terrible. C’est un épisode dans lequel elle est complètement défoncée parce qu’un producteur musical – par ailleurs séropositif – l’a droguée et lui a fait manger un space cake à son insu. Cela a été censuré à l’époque, parce que c’était trop.
Les sitcoms AB abordaient parfois des sujets sérieux, comme le viol, avec une légèreté qui semble inimaginable aujourd’hui…
Oui, ça ferait un tollé. D’autant que quand il y a un viol dans les séries AB, généralement, il y a un épisode pour dire que la fille l’avait bien cherché, qu’elle n’aurait pas du se balader toute seule avec des garçons comme ça ou avoir un tel comportement. On avait fait un montage dessus qui avait été striké par AB.
Comment est perçu votre travail du côté d’AB ?
Les réactions sont très variées chez les comédiens. Il y en a que ça amuse beaucoup, comme Fabien Remblier [Jérôme dans Premiers Baisers], d’autres qui ont été un peu vexés. Il paraît que Bernard Minet [l’un des Musclés] a été excédé parce qu’on avait commenté un de ses concerts et que ce n’était pas à son avantage. Azoulay, lui, aime beaucoup. Il trouve qu’on est ses plus grands fans et qu’on a très bien analysé sa sexualité. Là-dessus on est rassurés.