La candidate du FN à l'élection présidentielle a jugé dimanche que la France n'était «pas responsable de la rafle du Vel d'Hiv» en 1942 à Paris, au cours de laquelle plus de 13 000 juifs avaient été arrêtés puis déportés dans des camps de concentration.
En 1995, Jacques Chirac reconnaissait la responsabilité de la France dans la rafle de 13 152 hommes, femmes et enfants juifs au Vélodrome d'Hiver de Paris en 1942. Ce dimanche, Marine Le Pen a contesté cette déclaration officielle. «Je pense que la France n'est pas responsable du Vel d'Hiv», a répondu la candidate frontiste à l'Elysée au «Grand Jury» RTL-LCI-Le Figaro.
«Je pense que de manière générale, plus généralement d'ailleurs, s'il y a des responsables, c'est ceux qui étaient au pouvoir à l'époque, ce n'est pas LA France. Ce n'est pas LA France», a-t-elle lancé.
La fille de Jean-Marie Le Pen, lui-même condamné pour ses propos répétés sur les chambres à gaz, qualifiés de «détail» de l'histoire, estime que les Français doivent cesser de culpabiliser. «La France a été malmenée dans les esprits depuis des années», a dénoncé la présidente du parti d'extrême droite. «En réalité, on a appris à nos enfants qu'ils avaient toutes les raisons de la critiquer, de n'en voir peut-être que les aspects historiques les plus sombres», a-t-elle regretté. «Donc, je veux qu'ils soient à nouveau fiers d'être français».
Ces propos viennent rompre avec ceux prononcés par le président Chirac, le 16 juillet 1995, date du 53ème anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv, dont furent victime un tiers d'enfants. Le président de la République, qui se démarquait alors de tous ses prédécesseurs, notamment du général de Gaulle et de François Mitterrand, a été appuyé sur ce point par ses successeurs Nicolas Sarkozy et François Hollande.
«C'est une faute grave, ce qu'elle a fait, a réagi le prétendant à l'Elysée, Emmanuel Macron, dans la soirée sur BFMTV. Il ne faut pas avoir de complaisance ou minimiser ce qu'est le Front national aujourd'hui dans notre pays». Christian Estrosi, président LR de Paca, a quant à lui déclaré sur Twitter qu'elle «rejoint son père sur le banc de l'indignité et du négationnisme», avant de rendre hommage à Jacques Chirac, «qui, le premier, avait eu le courage de reconnaître que l'Etat français avait, ce jour-là, commis l'irréparable».
Le Crif et l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) ont également réagi, dans des communiqués séparés, dénonçant «des propos révisionnistes». Pour l'UEJF, «cette déclaration de Marine Le Pen s'inscrit dans la lignée révisionniste du Front national». «Ses déclarations sont une insulte à la France, qui s'est honorée en 1995 à reconnaître sa responsabilité dans la déportation des juifs de France et faire face à son histoire, sans mémoire sélective», a fustigé le Crif.
Le Front national a toujours exprimé des réserves sur le discours de Jacques Chirac. Le 2 avril, le vice-président du parti, Florian Philippot, a tenu une position similaire à celui de sa candidate. «J'ai toujours été dans la position traditionnelle de la France à savoir que la France était à Londres. Je reste fidèle à cette histoire», a lancé Florian Philippot dans le cadre du «Grand Rendez-vous» Europe 1, CNews et Les Echos». Des Français sont concernés selon lui, mais «l'Etat français, non. Je mets la France et la République à Londres».
Plus largement, cette négation de la responsabilité de la France est partagée par les sphères souverainistes de gauche et de droite. En 2012, lorsque François Hollande s'est inscrit dans les pas de Jacques Chirac, à l'occasion du 70e anniversaire de la rafle, Henri Guaino s'est dit scandalisé. «Bien qu’il soit président de la République, il n’a pas à parler en mon nom, n’a pas à parler au nom de la France que j’aime, de la France qui est ma France, s'insurgeait le député LR sur BFM TV et RMC. Elle était à Londres, elle était avec la France libre, elle était dans les maquis». Du même avis,Jean-Pierre Chevènement rappelait à l'époque que «deux présidents de la République, Charles de Gaulle et François Mitterrand, avaient tenu sur la ligne selon laquelle l’Etat français de Vichy n'était ni la République ni la France».