Carles Puigdemont, visé par une procédure judiciaire en Espagne et sous la menace d’un possible mandat d’arrêt, peut-il rester en Belgique ?
En tant que ressortissant de l’UE, il a le droit d’y rester trois mois, délai théorique au-delà duquel il est censé déposer une demande de séjour motivée.
A Bruxelles depuis lundi, le président catalan destitué a affirmé y être par souci de «liberté et sécurité», sans intention de déposer une demande d’asile. Il ne s’est pas rendu à la convocation de la justice espagnole jeudi.
C’est sans doute pour se préparer à cette éventualité que M. Puigdemont a rencontré lundi un avocat belge réputé, Me Paul Bekaert. «Sachant qu’il pourrait être poursuivi pour rébellion, c’est une sage décision de prendre un avocat», a déclaré ce dernier.
En Espagne, le procureur général a requis des poursuites pour «rébellion», «sédition» et «malversations» contre lui et les membres du gouvernement catalan destitué. Le délit de rébellion est passible de jusqu’à trente ans de prison.
La décision de délivrer un mandat d’arrêt relève d’un juge espagnol.
Si ce mandat est émis, «il n’y aurait pas beaucoup d’opportunités pour la Belgique de le refuser», fait valoir Me Maxime Chomé, avocat à Bruxelles.
La loi stipule que l’infraction reprochée doit figurer dans le droit belge, ce qui n’est pas le cas de la «sédition» et de la «rébellion». Mais elle liste ensuite une série d’infractions additionnelles auxquelles l’Espagne pourrait se référer.
La demande doit concerner le suspect d’une infraction pouvant entraîner une peine d’au moins trois ans de prison, ce qui est le cas en l’espèce.
Les voies de recours existent, si l’intéressé refuse son extradition, mais n’aboutissent qu’«extrêmement rarement», selon ce pénaliste.
«L’idée de base, avec le mandat d’arrêt européen, c’est qu’on a confiance dans les droits fondamentaux du pays émetteur. Avec l’Espagne, on n’est pas dans le cas d’un pays qui pratique la torture», poursuit M. Chomé.
Les autorités judiciaires espagnoles peuvent aussi opter pour un mandat international, notamment dans le cas où Carles Puigdemont prendrait la fuite.
Sur commission rogatoire émise par un juge espagnol, il est possible qu’une audition se tienne en Belgique.
Madrid peut fournir une liste de questions qui seront posées par un officier de police. Un magistrat espagnol peut aussi se déplacer, après accord des autorités belges.
Tout ressortissant d’un autre pays de l’UE peut résider 90 jours en Belgique sans être inquiété. Au-delà, il s’expose à l’illégalité, à moins d’introduire une demande de séjour motivée par un travail, un regroupement familial ou des moyens financiers suffisants lui permettant de ne pas travailler.
Mais c’est la théorie. En pratique, «s’il quitte le territoire national avant les 90 jours, le citoyen de l’UE peut à nouveau bénéficier d’un séjour de trois mois», explique à l’AFP Dominique Ernould, porte-parole de l’Office des étrangers.
Carles Puigdemont a lui-même évoqué mardi le principe de «libre circulation» dont peuvent bénéficier les citoyens dans l’UE.
Les citoyens de l’UE peuvent formuler une demande dans un autre Etat membre. Ils bénéficient dans ce cas d’une procédure accélérée.
Mais si le leader catalan devait finalement réclamer l’asile, celle-ci aurait peu de chances d’aboutir, selon le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA).
«Depuis cinq ans, aucun ressortissant de l’UE n’a obtenu l’asile en Belgique», assure Damien Dermaux, porte-parole du CGRA. «En Belgique, on examine ces demandes, on témoigne d’une certaine souplesse, mais on reste sur le principe qu’il s’agit de demandes manifestement non fondées, car venant de pays tiers sûrs.»
Le parquet espagnol demande un mandat d'arrêt européen contre Carles Puigdemont, actuellement en Belgique. A Bruxelles depuis lundi, le président catalan destitué a affirmé y être par souci de "liberté et sécurité", sans intention de déposer une demande d'asile.
Il ne s'est pas rendu à la convocation de la justice espagnole ce matin. Au total, quatorze conseillers étaient convoqués ce matin à Madrid par une juge de l'Audience nationale, mais cinq, dont le président Carles Puigdemont, ne s'y sont pas rendus.
Source L'Est Eclair