Rediffusée depuis peu sur Netflix, la légendaire sitcom fait aujourd'hui grincer des dents bon nombre de millenials.
La série Friends aurait-elle pris un coup de vieux ? Alors que Netflix intégrait la cultissime sitcom américaine à son catalogue fin 2017, la question peut se poser pour certains millenials, selon lesquels la trame de nombreux épisodes serait sexiste, homophobe, transphobe et même grossophobe.
Entre 1994 et 2004, les aventures de la plus célèbre bande d'amis –interprétés par Jennifer Aniston, Matthew Perry, Courtney Cox, Lisa Kudrow, Matt LeBlanc et David Schwimmer– ont égayé le quotidien de millions d'Américains et de téléspectateurs du monde entier. Les personnalités touchantes et attachantes de ces colocs plein d'autodérision ont même valu à Friends le titre de la meilleure série de tous les temps par The Hollywood Reporter.
Ayant grandi dans une société qui s'interroge chaque jour un peu plus sur ses valeurs et ses préjugés, la génération actuelle porte un regard différent sur bon nombre de chansons, films et séries. Et dans le prisme de 2018, ce dont on riait il y a 10 ou 20 ans peut parfois faire grincer des dents. C'est ce qu'explique The Independent, qui a donné la parole à plusieurs jeunes Britanniques se disant «mal à l'aise» avec la manière dont la sitcom aborde la question les rapports femmes-hommes et les thématiques LGBTQ+.
«Je revisionne Friends sur Netflix et put***! J'avais jamais réalisé à quel point Ross est homophobe !», s'exclame Amy, 25 ans, faisant notamment référence au moment où Ross ne supporte pas l'idée que «la nounou» de sa fille Emma soit, en fait, un homme. Il ne peut alors qu'être gay, suppose-t-il.
Pour la journaliste de Slate Ruth Graham, c'est au personnage de Chandler que revient la palme de l'homophobie, faisant de son personnage, selon elle, «le plus obsolète». Le «clown du groupe», note-t-elle, est parano à l'idée qu'on puisse le trouver «insuffisamment masculin» – et donc gay...
Il redoute par exemple les fameux «hugs» (câlins fréquemment échangés, y compris entre hommes, aux États-Unis) et n'en revient pas que Joey ait un oreiller rose. «Si tu continues comme ça, tu te retrouveras bientôt avec des doigts dans ton machin !», ose-t-il alors lui lancer. Ses remarques lourdes et méprisantes à l'égard de son père transgenre, qui exerce comme drag queen à Las Vegas, sont également pointées du doigt.
Le poids de Monica, incarnée par Courtney Cox, est une source inépuisable de moqueries. Surnommée «Fat Monica» («la grosse Monica») au lycée, la version adolescente de son personnage revêt les stéréotypes attribués aux personnes en surpoids. «Elle est toujours en train de manger, elle est pas futée et traîne des pieds», remarque la jeune journaliste Holly Harper, qui précise au passage que Monica «n'est d'ailleurs même pas grosse».
Le message véhiculé dans Friends repose sur le postulat que Monica aurait mené une vie misérable si elle n'avait pas, par la suite, réussi à perdre du poids. Les scénaristes sous-entendent qu'aucun homme n'aurait sans cela voulu d'elle, et qu'elle serait restée célibataire à vie. Une solitude qu'elle ne pourrait alors combler qu'à grands coups de sucreries. «Tu ne t'es pas assis sur mes Kit-Kat, j'espère ? !», s'affole-t-elle dans un épisode. Autant d'éléments allant à l'encontre du mouvement de body-positivity qui prend petit à petit de l'ampleur.
En janvier 2017, Cosmopolitan publiait un article listant les «11 choses assez choquantes dans Friends qui ne passeraient plus aujourd'hui». Parmi elles : le côté queutard coureur de Joey. Pour lui, «Chaque femme est une conquête avant d'être un être humain», tandis qu'il «cherche une coloc féminine pour pouvoir coucher avec elle», déplore le magazine. Pour couronner le tout, il compare les femmes à de la «crème glacée» dont il invite Ross à «prendre une cuillerée».
De son côté, Ross apparait comme l'archétype du mâle alpha avec sa copine Rachel : possessif, il ne supporte pas que cette dernière puisse se concentrer sur sa carrière. Hors de question, en outre, qu'elle se fasse un tatouage. Ni qu'elle le laisse seul (trop longtemps) avec leur bébé.
Dernier problème : le manque de diversité de la série, dont tous les protagonistes principaux sont blancs, hétéros et relativement aisés. «Il n'y a eu que deux personnages non-blancs» dans les 236 épisodes de Friends: Julie, la copine de Ross, qui est d'origine asiatique, et la docteure afro-américaine Charlie Wheeler, souligne The Independent.
Pour toutes ces raisons, conclut le journaliste Tom Fordy dans le Telegraph, «sexistes, pathétiquement immatures et résolument conservateurs», les personnages de Friends sont aux «antipodes» de la société moderne.