Le syndicaliste urgentiste Patrick Pelloux nous annonce saisir la ministre de la Santé après le décès de Naomi, 22 ans, que la régulatrice du Samu de Strasbourg a refusé de prendre en charge.
L’enregistrement est devenu viral sur les réseaux sociaux. Le médecin Patrick Pelloux, président de l’Association des urgentistes de France (Amuf) a lui aussi écouté les 3 minutes où une jeune femme, implore, en vain, de l’aide au Samu de Strasbourg. La jeune femme Naomi, 22 ans, est morte quelques heures plus tard à l’hôpital. Pour que cette situation « effroyable » ne se reproduise plus, l’urgentiste demande plus de moyens et nous annonce saisir le ministère de la Santé.
La réaction de l’opératrice du Samu, que l’on entend dans l’enregistrement, est-elle normale ?
PATRICK PELLOUX : Cet enregistrement est épouvantable. Je ne peux que penser à la famille de cette jeune femme, à ses proches. Bien sûr, il faut une enquête judiciaire pour faire toute la lumière. Mais, au-delà, la voix de cette femme en train de mourir doit tous nous interpeller.
On voit depuis vingt ans flamber les difficultés dans les Samu de France. En 1988, il y avait 8 millions de passages par an aux urgences. Aujourd’hui, c’est 21 millions. Les appels au Samu ont, dans le même temps, plus que triplé. En clair, un Français sur trois passe chaque année par lui, mais nous n’avons pas redimensionné les centres d’appel pour répondre à l’ampleur de la demande. Résultat : nous devenons de véritables call centers. C’est inacceptable.
De faire une erreur, comme cela semble le cas dans l’exemple de Strasbourg. Depuis plusieurs années, la qualité de la prise en charge du patient est fortement dégradée. Or, chaque appel doit être pris avec la plus grande vigilance, le plus grand sérieux.
Ici, on a plus l’impression d’une erreur humaine que d’un problème d’organisation…
On ne peut être qu’effaré en entendant le dialogue et l’enquête devra déterminer les fautes, sans oublier de répondre à ces questions : depuis combien de temps l’opératrice travaillait-elle, combien d’appels avait-elle pris dans sa journée ? Dans les centres, il faut jongler entre les appels « sérieux » et ceux qui ne le sont pas. On a des soignants épuisés, stressés, en burn-out, qui deviennent détachés de la souffrance du patient. Quand vous avez 100 appels pour une douleur thoracique, parfois, sur le 101e, vous flanchez.
En recrutant massivement du personnel dans les centres de régulation et surtout avec une vraie remise en question de l’organisation des secours en France. Il faut créer un système unique et plus efficace. Le président de la République avait appelé à une modernisation. Allons-y !
C’est un appel que vous faites ?
Oui, et je vais immédiatement saisir la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, pour lui demander d’être reçu au plus vite afin d’engager ce travail de réflexion. C’est un appel au secours dans tous les sens du terme. Le drame de Strasbourg doit susciter une prise de conscience. Cette modernisation, nous la devons à nos concitoyens.