Des factures de la campagne d'Emmanuel Macron posent question. L’Élysée préfère communiquer sur celles de la vie quotidienne du couple présidentiel.
Avez-vous lu Le Parisien ou Médiapart ce week-end ? Dans les deux publications, des articles relatifs à Emmanuel Macron et à la gestion de budget. Autant vous le dire tout de suite, ces deux articles n’ont pas exactement la même tonalité. Dans le Parisien, ce samedi, on apprend que l’actuel chef de l’État paye rubis sur l’ongle tous ses dépenses personnelles. Le journal prend l’exemple des croquettes du chien Némo, réglées directement par Emmanuel et Brigitte Macron. Tout comme les nuits d’hôtels lors d’escapades privées. Il en va de même, s’enthousiasme le quotidien, pour la taxe d’habitation, payée sur le chéquier personnel du couple présidentiel. Le poncif journalistique du « locataire de l’Elysée » semble trouver ici son illustration : voilà un locataire présidentiel qui prend à sa charge tous les frais. Bref, on renoue avec le mythe du général de Gaulle qui, dit-on, payait l’électricité. Même si, au passage, on comprend mal comment le couple Macron a déjà pu payer la taxe d’habitation de l’Élysée, n'ayant emménagé dans le Palais qu'en mai 2017 (la taxe est établie selon le lieu d'habitation au 1er janvier 2017)... Mais passons.
Chez Médiapart, on est en train d’éplucher les comptes de campagne du candidat Macron. Il s’avère que celui-ci a bénéficié de curieuses ristournes de la part de prestataires, selon une enquête parue vendredi (la veille du Parisien). Un exemple : la location d’une salle parisienne, la maison de la Mutualité, pour le meeting de l’été 2016. Théoriquement facturée 40 000 euros, elle est finalement adjugée pour un peu plus 25 000 euros, soit 36 % de réduction. Médiapart pointe aussi d'importantes remises lors du meeting du 10 décembre 2016 à la porte de Versailles, vous savez c'est celui du fameux "c'est notre projeeet". Avec une facture de location de matériel, là encore, rabotée de 30%. Toujours par la même entreprise, GL events, dont le patron est selon Médiapart un proche de Gérard Collomb, l’actuel ministre de l’Intérieur.
La Commission nationale des comptes de campagne, qui contrôle tous les candidats, a demandé des explications. GL events assure qu’il s’agit de promotions "habituelles", de simples "négociations commerciales" avec le client. Une explication, écrit Médiapart, qui a satisfait la Commission des comptes de campagne. Ce lundi matin, GL events précise dans un communiqué que ces rabais ont été consentis du fait de "l’importance du volume fourni et de l'intensité de la concurrence".
Alors est-on dans une affaire Bygmalion bis ? Non : dans le scandale qui avait éclaboussé l’UMP, il était bien question de sous-facturations, mais celles-ci étaient cachées, et compensées par des fausses factures liées à des événements fictifs.
Pour autant, l’organisation de la campagne d’Emmanuel Macron ne va pas sans questions. Candidat sans parti politique, et donc sans financement public, l’outsider a dû trouver des fonds. Et comme le raconte le documentaire de BFM TV diffusé hier soir, "le casse du siècle", il s’est d’abord agi de cibler les grandes fortunes.
"Au printemps 2016, se tiennent les premières soirées chez des particuliers influents, appelés des poissons pilotes., (...) capables d'attirer de grands donateurs en toute discrétion (...). Des cercles d'influence classés par catégories : entrepreneurs web, gestion d'actifs, Cac 40, propriétaires. Une communauté de puissants, prêts à débourser pour celui qui sera leur candidat".
La campagne d’Emmanuel Macron s’est ainsi bâti sur les premiers de cordée. Il avait le projet, ils ont assuré la logistique. En tout cas, dans les premiers mois de cette fragile aventure. Dans quelle mesure est-il redevable à ces fortunés bienfaiteurs ? C’était l’un des sous-entendu de la remarque de François Hollande il y a quelques jours, interrogé par Yann Barthès. Emmanuel Macron est-il le président des riches ? "Ce n'est pas exact, répond Hollande... il est le président des très riches !" L'ancien président pointe notamment la réduction de l’ISF et de la taxation des produits du capital, votée dans le premier budget du quinquennat. Comment garantir que ces donateurs n’attendent pas un retour sur investissement ? Que la politique gouvernementale ne récompense pas ceux qui l'ont aidé à conquérir les responsabilités ?
Mais cette question est sans doute beaucoup moins déterminante que de savoir qui paie les croquettes du chien.