De nombreuses voix s’indignent de la venue en octobre du rappeur, dont l’un des textes dit «crucifions les laïcards».
Le rappeur Médine a-t-il sa place au Bataclan ? Depuis samedi, la polémique enfle sur les réseaux sociaux. « Profanation », « insulte à la mémoire des victimes », « incitation au fondamentalisme islamique » : les réactions indignées se multiplient, notamment à droite et à l’extrême droite.
Une page Facebook et une pétition en ligne, lancée par un cadre du FN, appellent au boycott du rappeur et à l’annulation des deux concerts de Médine, prévus les 19 et 20 octobre dans la salle où 90 personnes ont été tuées le 13 novembre 2015 par un commando djihadiste.
Les avocats Bernard Benaïem et Caroline Wassermann, qui défendent une dizaine de familles victimes de la tuerie du Bataclan, lanceront un recours lundi pour faire annuler les concerts, en vertu du risque de «trouble à l’ordre public» et de la notion d’ «ordre public moral ». «Nous adressons un courrier lundi à la préfecture et au ministère de la Culture », annonce Caroline Wassermann, jointe par Le Parisien. En cause : les paroles de la chanson « Don’t Laïk », sortie en 2015, une semaine avant la tuerie de Charlie Hebdo. « Crucifions les laïcards comme à Golgotha/Le polygame vaut bien mieux que l’ami Strauss-Kahn (...)/j'mets des fatwas sur la tête des cons/ Je me suffis d'Allah, pas besoin qu'on me laïcise », chante notamment Médine. Les détracteurs du rappeur l’accusent d’être un « islamiste », en rappelant que l’un de ses albums, sorti en 2005, s’appelle « Jihad, le plus grand combat est contre soi-même ». Sur la pochette, la lettre « J » est formée par un sabre. Des accusations que le rappeur de 35 ans, originaire du Havre, a plusieurs fois réfutées.
Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national (RN) a estimé dimanche « qu’aucun Français ne peut accepter que ce type aille déverser ses saloperies sur le lieu même du carnage du Bataclan ». « Les familles des victimes ne sont pas respectées… », a ajouté le maire de Béziers Robert Ménard.
Plusieurs élus LR, dont les députés Éric Ciotti et Valérie Boyer, ont également publiquement condamné le rappeur, de même que le président du parti Laurent Wauquiez : « Au Bataclan, la barbarie islamiste a coûté la vie à 90 de nos compatriotes. Moins de trois ans plus tard, s’y produira un individu ayant chanté "crucifions les laïcards" et se présentant comme une "islamo-caillera". Sacrilège pour les victimes, déshonneur pour la France ».
Bruno Retailleau, sénateur LR, en appelle même à Gérard Collomb. Il lui demande d'utiliser «contre ce rappeur les mêmes armes que celles utilisées contre Dieudonné».
La vague de protestation dépasse les rangs de la droite. Les proches du Printemps Républicain et la députée LREM Aurore Bergé ont également exprimé leur malaise. « Ses paroles sont, ni plus ni moins, un appel au meurtre. Cela s'appelle un constat. Maintenant préparons nous aux procès d'intention et à la victimisation », écrit-elle.
De son côté, le Printemps Républicain a dénoncé «la provocation» de l’artiste, demandant néanmoins «ni censure, ni injure».
Dans le passé, Médine s’est plusieurs fois exprimé sur ses chansons aux paroles volontairement choquantes et provocatrices. « En tant qu’artiste, je dénonce toutes formes de violence, terrorisme et autres apologies immorales. "Don’t Laïk" est aux fondamentalismes laïques ce que les caricatures de Charlie Hebdo sont aux fondamentalismes religieux », se défendait-il dans une tribune parue dans L’Obs en janvier 2015.