Il est le nouveau nom sorti du dossier Benalla. Un député LR demande même à l’auditionner à l’Assemblée. Mais qu’a à se reprocher cet indispensable bras-droit macronien, habituellement si discret ? Portrait express.
Ismaël Emelien est un taiseux, qui préfère mettre des mots dans la bouche du président plutôt que de s’exprimer par lui-même. Pourtant, il devra certainement bientôt parler, au sujet du plus grand scandale qu’ait eu à gérer jusqu’à maintenant l’actuel gouvernement. Guillaume Larrivé, député Les Républicains et corapporteur de la commission d’enquête à l’Assemblée, a en effet demandé à l’auditionner dès que possible. « Nouveau fusible » tout choisi dans l’affaire Benalla, Ismaël Emelien aurait « été en possession de bandes vidéo qui ont été semble-t-il remises à M.Benalla par des policiers qui sont mis en examen ». Le plus fin stratège de la Macronie se serait donc lui aussi sali dans cette sombre histoire. Mais qui est finalement cet indispensable ami, qui a préféré le mystérieux poste de conseiller spécial du président plutôt que celui de porte-parole qu’on lui offrait généreusement ?
À 31 ans, Ismaël Emelien marche dans les pas de Jacques Attali, Henri Guaino ou encore Aquilino Morelle. Tous ont occupé cette place, peu médiatisée mais capitale dans la machine élyséenne, de « conseiller spécial », celui qui murmure à l’oreille du président. On ne le voit pas, mais il est pourtant toujours là. Il était déjà auprès de Macron à Bercy, puis a été l’un des premiers à croire à En Marche. Dès l’automne 2015, il a commencé à travailler en secret au lancement de ce mouvement. Durant la campagne présidentielle, Ismaël Emelien était sur tous les fronts, réécrivant les discours ou coachant le candidat avant chaque meeting. En sortant de scène, Emmanuel Macron se tournait instinctivement vers lui, pour scruter quelques avis dans son regard, avant même d’aller embrasser Brigitte.
Dans le documentaire Les Coulisses d’une victoire, diffusé sur TF1 au lendemain du second tour de 2017, Emelien se distingue comme le ventriloque de Macron. « Quand tu dis par exemple, moi j’augmente tous les salaires nets, tu perds des gens, ça fait trop papa Noël. Faut que tu dises, j’augmente tous les salaires nets, mais je demande beaucoup plus d’effort quand on est en recherche d’emploi », lui glisse-t-il à quelques minutes du débat télévisé face à Marine Le Pen. Tous les bons mots de Macron seraient sortis tout droit de l’esprit fertile de ce conseiller spécial, du « premier de cordée » au « make our planet great again », repris par la presse.
Même s’il ne s’imagine visiblement pas aux plus hautes fonctions, Ismaël Emelien est un mordu de politique. Étudiant à Science-Po Paris, il idolâtre l’un de ses professeurs, un certain Dominique Strauss-Kahn, qu’il décide de suivre dans sa campagne pour l’investiture socialiste à la présidentielle. Ségolène Royal l’emportera. Emelien s’engage alors au côté de Gilles Finchelstein, PDG de la Fondation Jean Jaurés, et participe même à l’élection de Nicolas Maduro, successeur d’Hugo Chavez à la tête du Venezuela. Mais tout cela, c’était avant sa rencontre avec Macron, l’homme qui voulait réformer l'ancien monde.
Tous ses collègues le diront, Ismaël Emelien est aussi discret qu’atypique. Étudiant, il s’exilait, une fois par an, dans une forêt pour réciter des poèmes. Il aime d’ailleurs la littérature et la médiation, se rêvant, dit-on, en gardien de phare breton. Alors quand on lui demande de prendre la pose, le jour de l’investiture en mai 2017, au côté de Julien Denormandie, Stéphane Séjourné et quelques autres de la « bande à Macron », Emelien préfère ne pas se montrer et se cacher derrière Sibeth Ndiaye et Sylvain Fort, ne laissant apparaître que le haut de ses lunettes. S’il est convoqué aujourd'hui par la commission d’enquête à l’Assemblée, il ne pourra pas, cette fois, se terrer.