Il avait convié tous ceux qu'il pense pouvoir rallier à la cause d'une « Europe souveraine ». Ce 20 novembre, à l'Élysée, comme l'avait rapporté L'Opinion , Emmanuel Macron avait réuni Alain Juppé et Jean-Pierre Raffarin, Franck Riester, le président d'Agir, Laurent Hénart, le président du Parti radical (une ancienne composante de l'UDI), mais également des poids lourds de la gauche tels que Jean-Yves Le Drian, son ministre des Affaires étrangères, et le commissaire européen Pierre Moscovici. Les partenaires de la majorité François Bayrou et Marielle de Sarnez, du MoDem, étaient présents, tout comme Philippe Grangeon, délégué général par intérim de La République en Marche. « On peut atteindre les 25 % aux européennes », leur a d'entrée lancé le chef de l'État.
« Il faut une liste unique, a plaidé Emmanuel Macron. Il faut y aller, il faut se battre ! » Dressant le portrait d'une tête de liste idéale, il cherche « une personnalité de la société civile avec un bon sens politique capable de nous rassembler tous ». Un portrait vague. Autant dire que l'oiseau rare n'est pas encore trouvé. Le président n'a fait aucune mention des mauvais sondages actuels, comme si la situation politique du moment n'aurait pas de retentissement lors du scrutin de mai prochain.
Le président a également rappelé sa volonté de ne pas s'inscrire dans les groupes politiques existant au Parlement européen. « Il ne faut pas se fondre dans l'Alde. Il faut être mobile », a-t-il indiqué. En somme, les membres de la liste « majorité présidentielle » seraient libres, une fois élus, de rejoindre les groupes politiques de leur choix. Si bien que, par exemple, les élus Agir de Macron pourraient siéger au PPE (avec ceux de Wauquiez...), ceux de Laurent Hénart siégeraient à l'Alde (les libéraux), les ralliés sociaux-démocrates pourraient rejoindre le groupe S&D, ainsi peut-être que quelques Verts séduits par Macron. Fort de soutiens dans les trois groupes, Macron se voit au centre du jeu au soir des élections de mai 2019. Mais cette tactique d'essaimage a un inconvénient : les macronistes de droite, du centre et de gauche seraient totalement dilués dans les trois groupes politiques... L'influence des macronistes serait alors faible et ils ne seraient pas forcément les mieux placés pour occuper les postes-clés de coordonnateurs ou dans les commissions qui comptent.
En outre, l'invitation lancée à Pierre Moscovici ne fait pas de lui un soutien automatique. Certes, le commissaire socialiste a renoncé à briguer la tête de liste PS en raison de ses divergences avec les socialistes français, pas assez pro-européens à son goût. Sur ce terrain, il se sent plus en harmonie avec les thèses défendues par Emmanuel Macron, notamment sur la nécessité d'un budget de la zone euro adopté par un Parlement de la zone et exécuté par un ministre de l'Économie de la zone euro. Mais Pierre Moscovici refuse d'être sur la liste macroniste et d'y côtoyer des personnalités de droite. Lui n'a pas renoncé à défendre un projet de gauche pour la France et ne se retrouve pas dans le programme national de droite du président français. Rappelons que de nombreux anciens collaborateurs de Pierre Moscovici à Bercy sont aujourd'hui les conseillers de Macron à l'Élysée, dont le secrétaire général Alexis Kohler.
On observera que Jean-Christophe Lagarde n'avait pas été convié à la table élyséenne. Le président de l'UDI est de plus en plus critique vis-à-vis des choix d'Emmanuel Macron. Il n'a guère apprécié certaines séquences récentes, autour des commémorations de la Première Guerre mondiale, lorsqu'Emmanuel Macron a évoqué la création d'une « armée européenne », ou lorsqu'il a décrit Donald Trump comme son « ami ». « Généralement, les hommes politiques se font élire en disant des bêtises et, une fois élus, parlent le langage de la vérité. Emmanuel Macron, c'est l'inverse », confie Jean-Christophe Lagarde, dont tout porte à croire qu'il présentera une liste aux européennes en dehors de celle des macronistes. La décision officielle tombera le 15 décembre, lors d'un congrès UDI, à Issy-les-Moulineaux.