Jusque-là, Emmanuel Macron n’avait jamais employé le mot « populistes » que pour désigner, stigmatiser et dénigrer ses ennemis. Sur le terrain intérieur, évidemment, mais aussi, et surtout, sur la scène européenne.
Pas un discours de notre Président sans qu’il morde les mollets des vilains populistes européens. En face d’eux, les gentils progressistes dont il se veut le leader. Mercredi, devant les maires de France réunis à l’Élysée, il a opéré un basculement sémantique extrêmement intéressant car, pour la première fois, il s’est dit, lui-même, populiste. « Nous sommes de vrais populistes, nous sommes avec le peuple, tous les jours », a-t-il harangué les édiles. Et il a dit qu’il préférait désigner ses adversaires comme des « nationalistes » et des « démagogues ». Si ce n’est pas un revirement ! Depuis son discours du 11 novembre, on a compris qu’il avait décidé de voler à ses ennemis le mot patriotisme – et de leur laisser le seul nationalisme. Depuis mercredi, il a décidé de tenter aussi le rapt du mot populisme. Affaire (sémantique) à suivre.
Il y a encore quelques semaines, le macronisme se félicitait d’avoir réussi à pulvériser les corps intermédiaires, des syndicats aux partis politiques en passant par les journalistes. Oui, mais voilà : les Gilets jaunes ont dynamité cette satisfaction. Car cette contestation virale devenue fait politique est l’enfant du macronisme, et le chef de l’État ne le sait que trop bien. D’ailleurs, c’est tout sauf un hasard si un macroniste du premier cercle, Benjamin Griveaux, mercredi, à l’issue du Conseil des ministres, a opéré un virage à 180 degrés concernant ces fameux corps intermédiaires. Il fallait entendre le porte-parole du gouvernement préciser que la mise en œuvre de « solutions visibles » serait engagée par le gouvernement « dans les semaines qui viennent » en « y associant les forces de transformation du pays : les élus locaux, les collectivités locales, les responsables syndicaux et patronaux ». On se pince et on s’inquiète : si le macronisme renie ses fondamentaux, où va-t-on ?
Les Gilets jaunes n’ont pas de leader, mais ils ont des soutiens qui vont du député des Pyrénées-Atlantiques, Jean Lassalle – qui, en arborant un gilet jaune, mercredi après-midi, au sein même de l’Hémicycle, a provoqué une interruption de séance -, à l’animateur de télévision Patrick Sébastien. Ce dernier s’est montré solidaire des manifestants. « Les Gilets jaunes qui sont dans la rue, c’est MA France, ça correspond à ma France, ces gens qui sont maltraités, qui n’ont pas le choix, à qui on parle mal, qu’on traite mal. Moi, je représente cette France-là et au nom de cette France populaire, on m’a dit « Dégage ! ». Comme on dit à ces gens-là « Dégagez ! ». Vous avez des problèmes de sous ? Dégagez ! Et on leur parle mal.? » Et quand on lui a demandé, sur la chaîne israélienne i24news, si cette empathie valait soutien, il a déclaré : « Je soutiens l’idée, pas la méthode. On est stupides de se mettre sur la gueule entre nous. On peut faire plein d’autres trucs, d’autres actions. Je regrette de ne pas avoir trente ans de moins pour foutre le bordel. Faut emmerder ceux qui sont responsables, faut leur mettre la sono, la nuit, à 3 h du matin. » Voilà au moins une chose à laquelle Macron a échappé…