Le présentateur préféré des Français a repris son fauteuil aux commandes du 13 Heures de TF1, sept semaines après son opération d’un cancer de la prostate.
« Welcome back ! » 10 heures lundi matin, les messages d’accueil fusent au deuxième étage de la tour TF1, dans les bureaux du 13 Heures. C’est un défilé de bises, d’accolades et des viennoiseries qui attendent Jean-Pierre Pernaut pour son retour après sept semaines de convalescence. À 68 ans, le présentateur star, opéré d’un cancer de la prostate le 25 septembre, reprend les rênes, entouré par son équipe. Gilles Bouleau, son confrère du 20 Heures, est le premier à l’embrasser. Très souriant et en forme, Jean-Pierre Pernaut a reçu Le Parisien dans son bureau.
JEAN-PIERRE PERNAUT : Ça va bien ! J’ai été opéré il y a sept semaines et ça va aussi bien que possible. J’ai pris du repos. Je rentre avec la pêche et l’envie de continuer ! Mon équipe a été formidable pendant mon absence.
Reprenez-vous au même rythme ou vous devez-vous vous ménager ?
Je reprends au même rythme ! Vendredi, mon médecin m’a dit : « Vous pouvez vous considérer comme guéri. » Je ne suis aucun traitement médical, normalement c’est réglé ! Même si avec le cancer on se méfie toujours, il faut faire des contrôles réguliers.
L’annonce du diagnostic a-t-elle été un choc ?
C’était le jour de la demi-finale de la Coupe du monde de foot ! C’était à l’occasion d’un contrôle de routine, je ne m’y attendais pas. Mais ce ne fut pas un choc, grâce à ma femme Nathalie. Elle a été un exemple formidable pour moi. Elle a eu une leucémie foudroyante il y a une vingtaine d’années, avant que je ne la connaisse. Le mot cancer n’était pas tabou.
Comment s’est passée votre hospitalisation ?
Bien, grâce au Docteur Guetta et au personnel médical formidable. Des journaux à scandale ont commencé à raconter que j’allais mal, que j’étais surveillé 24 heures sur 24… C’était faux, j’ai donc fait une vidéo pour arrêter ces rumeurs.
Vous avez reçu beaucoup de messages de soutien…
Innombrables. Dont des dizaines de milliers de messages sur les réseaux sociaux. Ça m’a énormément touché. Des patients m’écrivaient : « Accroche-toi, j’ai eu la même chose et tout va bien ! ». Soit : « C’est bien d’en parler car moi je n’osais pas le faire. ».
Avez-vous reçu des messages inattendus ? Du président de la République par exemple ?
Il y a énormément de personnalités qui m’ont dit : « Bienvenue au club Jean-Pierre ! » J’ai découvert que beaucoup d’hommes avaient été opérés pour la même chose ! C’est un cancer qui concerne environ quatre hommes sur dix. Je n’ai pas eu de message de l’Élysée, il n’y a pas de raison ! Mais de plusieurs personnalités politiques oui.
Être transparent en évoquant votre cancer, était-ce une évidence, ou avez-vous hésité ?
J’ai toujours été honnête et je n’ai pas hésité. J’ai dit ce que j’avais car je savais que j’allais m’absenter plusieurs semaines. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, une transparence totale doit exister entre les personnes connues et les téléspectateurs. Tout se dit… Alors autant éviter la propagation de rumeurs. Il y a deux ans, je suis parti une semaine en vacances et un journal a annoncé que j’étais viré !
C’est une dictature de la transparence imposée par les réseaux sociaux ?
Non… Je ne vois pas pourquoi il faudrait cacher les choses. Les réseaux sociaux, ça permet de dire des vérités, d’être honnête, c’est ce que j’ai fait. Mais c’est aussi une caisse de résonance extraordinaire pour des absurdités et des mensonges. J’ai été transparent naturellement. Et puis, le mot cancer ne me fait pas peur. Je ne prononce d’ailleurs jamais à l’antenne l’expression « longue maladie », je trouve que c’est stupide, désuet. Je ne voulais pas qu’on dise : « Il s’absente pour une longue maladie. » Le cancer de la prostate est le premier en France, avec 70 000 nouveaux cas par an, mais personne n’en parle car c’est un cancer masculin que les hommes préfèrent cacher. Ils se sentent bien seuls face à cette maladie, car elle touche à l’intimité. Le fait d’en parler, ça aide à débloquer.
Le journaliste Franz-Olivier Giesbert a confié à propos de son cancer : « Moi, il y a quinze ans, mon médecin m’a ordonné de me taire. » Les temps ont changé ?
La société et surtout la médecine ont changé. Aujourd’hui, le diagnostic comme l’opération sont ultra-précis, notamment grâce aux robots. Les progrès sont formidables. Le cancer de la prostate fait partie de ceux que l’on peut soigner quand on les prend tôt. Il y a des cancers plus graves et pour lesquels il existe aussi des traitements. C’est une bagarre, le moral compte, il ne faut pas être effondré quand on vous l’annonce. C’est une maladie qu’on soigne.
Avez-vous l’intention de continuer à évoquer publiquement ce combat ?
J’en parle parce que vous m’en parlez ! Je le fais spontanément si on me le demande. Il faut améliorer la prévention, inciter les gens à aller voir un urologue à partir d’un certain âge. Plus la maladie est prise tôt, plus elle est guérissable.
Quel message adresseriez-vous aux lecteurs qui seraient concernés par ce cancer ?
De ne pas avoir honte. Ce n’est ni une maladie honteuse ni contagieuse. Aujourd’hui, je crois qu’il ne faut pas en avoir peur, les médecins se battent, les malades aussi, et le moral c’est 80 % de la guérison derrière.
Comment avez-vous vécu ces sept semaines de convalescence à la maison ?
Comme du repos. Ma femme s’est beaucoup occupée de moi. Elle a un regard sur la maladie qui m’a aidé. Et elle m’a supporté à la maison ! J’ai regardé les journaux de 13 Heures pratiquement tous les jours, j’ai échangé avec mon équipe ! J’ai félicité Jacques Legros au lendemain de la spéciale remarquable sur Aznavour. J’ai regardé LCI. Et la série « la Casa de papel », j’ai adoré, j’attends la saison 3 !
Qu’avez-vous appris sur vous-même pendant ces derniers mois ?
Vous savez, je commence à me connaître à 68 ans ! Il y a un moment dans la vie où la ligne droite prend un petit virage… On reprend la ligne droite derrière. Et on respecte les limitations de vitesse ! Je suis dans une continuité. Il y a eu une parenthèse. Je continue ma vie comme avant.
Prendre ce recul vous a-t-il donné de nouvelles idées pour le 13 Heures ?
Non car ce journal s’efforce depuis trente ans de raconter la vie des gens et d’être au plus près de leurs préoccupations. On parle énormément du pouvoir d’achat ces jours-ci : au 13 Heures, c’est depuis la fin août. C’était le sujet de la rentrée. Ce n’est pas l’augmentation des taxes sur le carburant qui a fait naître le problème de la dégradation du pouvoir d’achat. On le sentait déjà dans les conversations.
C’est l’antenne qui vous a le plus manqué ?
Au bout de trente ans, l’antenne ne manque plus, on en a fait tellement ! C’est la fabrication du journal, la recherche de sujets… Le 13 Heures a toujours essayé de ne pas être enfermé dans une bulle et d’être dans la vraie vie.
Ma pièce de théâtre « Régime présidentiel », cartonne toujours. Écrire une troisième pièce fait partie de mes souhaits, mais je n’ai pas profité de ma convalescence pour la démarrer ! J’ai des projets au 13 Heures : cette semaine, SOS Village, l’élection du plus beau marché de France, une nouvelle semaine pour l’emploi… Et puis je publie « l’Almanach des régions ».
Vous aviez fêté vos 30 ans de JT en février. Avez-vous décidé dans un coin de votre tête une échéance pour arrêter ?
Pas du tout ! Je ne me suis jamais fixé d’échéance. Jamais. C’est le meilleur moyen de se planter quand on en fixe une.