Bénédicte Peyrol, membre de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, estime qu’il «faut remettre à plat tout le système fiscal».
C’est la jeune pousse de l’Assemblée nationale. Mais ne vous fiez pas à son air juvénile… Du haut de ses 27 ans, Bénédicte Peyrol est une pointure de la prestigieuse commission des Finances. D’ailleurs, c’est elle qui coordonne le groupe LREM. La députée de l’Allier, qui a l’oreille de Matignon et de l’Élysée, évoque sans langue de bois tous les sujets fiscaux. Et notamment une remise à plat du système fiscal, qui passe par une refonte de l’impôt sur le revenu.
Vous venez de voter le deuxième Budget du quinquennat. Est-il raté ?
BÉNÉDICTE PEYROL. Non. Le problème, c’est qu’il est arrivé sur la table au moment même où les effets du précédent se sont fait sentir. La taxe carbone, par exemple, a été un sujet majeur cette année, alors qu’elle avait été votée l’an passé ! En vérité, le budget voté l’an dernier était tellement massif et structurel que nous n’en avons pas assez débattu. Si cela avait été le cas, peut-être qu’on aurait pris conscience que les Français attendaient davantage d’accompagnement…
Cette semaine, Matignon voulait faire marche arrière concernant une partie des mesures apportées aux Gilets jaunes, avant de revenir sur sa décision. Comment expliquez-vous ce couac ?
Matignon a appliqué un raisonnement mécanique : la suppression de la hausse de la fiscalité du carburant impliquait d’annuler les mesures prises pour l’amortir. Mais dans le contexte actuel, où la relation entre les politiques et les Français est très fragilisée, on ne peut pas renoncer aux engagements pris, les Français ne l’auraient pas compris. Avec plusieurs députés, nous avons immédiatement passé des coups de fil et mis la pression jusqu’au revirement final.
Avec la suppression de la hausse de la fiscalité des carburants, ce budget est-il encore écolo ?
Même si je suis extrêmement déçue, c’est un budget qui est encore assez « vert ». Il y a une fiscalité écologique concernant les déchets qui est renforcée, ou encore une fiscalité incitative améliorée autour des biocarburants.
Fallait-il à tout prix préserver la compétitivité des entreprises ?
En maintenant les baisses de charges programmées en 2019, le gouvernement les a épargnées. Mais il est nécessaire de relancer l’économie et de soutenir les TPE-PME, qui sont les acteurs clés de nos territoires. Par contre, il faut peut-être cibler les grandes entreprises qui bénéficient de beaucoup de crédits d’impôts divers.
Le Budget 2019 dépassera les 3 % de déficit du PIB, cela vous inquiète ?
Je ne suis pas inquiète dans la mesure où nous continuons à réformer.
Nous avons manqué profondément d’humilité. Nous avons eu des mots malheureux. Mais j’ai confiance dans l’avenir et notre capacité à pouvoir avancer. Maintenant, nous devons apprendre de nos erreurs, nous reconnecter avec les Français.
Ne faut-il pas revoir le calendrier initial des réformes ?
Peut-être, car il faut être raisonnable. La réforme majeure à faire aujourd’hui est celle de la Constitution. La réforme des retraites, elle, cristallise les attentions. Nous devons faire en sorte que les gens y adhèrent, expliquer, rassurer. Cela mérite peut-être qu’on se laisse plus de temps.
Faut-il garder le cap de 50 000 fonctionnaires en moins dans la fonction publique d’Etat d’ici à la fin du quinquennat ?
On ne peut pas vouloir réformer et ne rien changer. Un cap a été fixé qu’il faut tenir.
Les Français expriment un ras-le-bol de l’impôt. Que faire ?
Il faut mettre à plat tout le système fiscal, que tout le monde paye des impôts, dès le premier euro. C’est important, car l’impôt sur le revenu sert de lien avec l’État. Il faut aussi revoir les tranches de l’impôt pour que la répartition se fasse mieux.
Bercy rétorque que faire payer de l’impôt sur le revenu dès le premier euro est extrêmement coûteux…
De toute façon, quelqu’un nous expliquera toujours que c’est impossible, on nous le dit déjà souvent. Moi, je dis que quand le politique décide – et pense que c’est pour le bien de la France – il faut mettre à exécution ! Je suis juriste et quand je travaillais en entreprise, lorsqu’on me demandait quelque chose, c’était : « Tu te débrouilles, tu trouves la solution juridique pour faire en sorte que ça fonctionne ».
Ce message peut-il être entendu alors que certains accusent le président d’être le meilleur représentant de ces technocrates ?
Ce n’est pas que le président de la République est un technocrate, c’est juste que le politique doit reprendre la main. Dire cela, ce n’est pas pointer du doigt la technocratie, mais dire à ces gens-là : « Travaillons ensemble, nous sommes les relais des citoyens, vous êtes au service de la France ».