Impressionnante de maîtrise et de maturité, l’équipe de France féminine a décroché son premier titre européen. Un an après son sacre mondial, elle domine la planète handball.
Deux étoiles sur le maillot mais des centaines, peut-être même plus, dans les yeux. Les leurs bien sûr, ceux du staff aussi, mais du public surtout, ce peuple bleu qu’elles ont fait chavirer de bonheur comme leurs homologues masculins l’avaient fait ici même en finale du Mondial 2017. L’histoire qui s’est écrite hier dans la folie d’une AccorHôtel Arena prise aux tripes est sans doute plus belle, plus émouvante parce que plus insolite. Pour la première fois de son histoire, l’équipe de France féminine est championne d’Europe. Comme elles en rêvaient, comme elles le voulaient, comme elles l’ont hurlé, les filles d’Olivier Krumbhoz ont ravi l’or à l’insolente Russie, septuple championne du monde et triple championne olympique, au terme de leur première finale continentale.
«Je vis un rêve éveillé, savoure Estelle Nze Minko après avoir sauté dans tous les sens avec ses partenaires aux quatre coins du terrain. C’est trop beau, on l’a fait. Devant nos familles, nos amis, nos proches et ce public tellement exceptionnel. »
Un public d’anonymes et de stars, comme Kylian Mbappé, avec qui elles ont fusionné dans la bataille avant de partager un claping géant et surfer la même vague de bonheur. Un public « en ébullition qui, selon Grâce Zaadi, [leur] a donné la rage après le carton rouge injuste infligé à Allison Pineau. » « Les arbitres m'ont volé une finale chez moi, dit la star des Bleues après avoir essuyé ses larmes. Mais ça a décuplé la force des filles, ce match elles m’ont dit qu’elles étaient aussi allé le chercher pour moi. »
Plus besoin dès lors de garder leurs émotions pour elles. Arrivée en hurlant dans une zone mixte trop silencieuse à son goût - « oh, on dirait qu’on a perdu là... » - Alexandra Lacrabère et sa fierté tout terrain ont aimanté les micros. « Je suis fatiguée, épuisée mais tellement contente que je pourrais rejouer là, maintenant, dit-elle. Ce qu’on vient de faire est juste fou, dingue. Après la Norvège et le Danemark, on est la troisième équipe au monde seulement à avoir réussi le doublé.»
Pour l’équipe de France, l’âge de glace, qui accouchait au mieux de places d’honneur, a laissé place à l’état de grâce. Sacrées championnes du monde l’an passé en Allemagne dans un costume d’outsider, les Bleues ont décroché avec la couronne européenne le statut d’incontestable leader de la planète hand. « On fait quatre médailles d’affilée, trois finales consécutives et là on décroche deux fois coup sur coup la médaille d’or », savoure hilare Camille Ayglon.
Rien de tout ça, bien sûr, n’aurait été possible sans Olivier Krumbholz, père fouettard éconduit notamment pour ses excès d’autorité en 2013 et revenu transfiguré en papa poule en 2016 pour mener ses filles au succès. «Notre belle série tient de l’alchimie qui existe dans le groupe, poursuit Ayglon. On a un staff incroyable et aujourd’hui on en récolte les fruits. »
La preuve ? Pour la première fois de l’histoire les Bleues détiennent plus de titres (2) que les Experts « seulement » champions du monde en titre. «On les a longtemps regardé performer, sourit Camille Ayglon, la doyenne (33 ans). J’imagine qu’ils sont heureux de nous voir apporter notre lot de médailles et de titres comme on l’avait été pour eux. » D’autant que ce n’est peut-être que le début. En remportant l’Euro, la France a validé son billet pour les J.O. de Tokyo en 2020. Et si c’était déjà le premier pas vers le seul titre qui manque encore à son palmarès ? « On va se laisser un peu de temps pour penser à ça, sourit Estelle Nze Minko. L’an passé à peine le titre Mondial en poche, on s’était tournées vers l’Euro. Alors là, on va savourer l’instant un peu plus de trente minutes. »