Le cyberharcèlement sur les réseaux sociaux laisse des traces : plusieurs journalistes et un publicitaire ont été suspendus par leurs employeurs lundi pour avoir appartenu à "La ligue du LOL", groupe créé dans les années 2000 et dénoncé par de nombreuses victimes ces derniers jours.
Deux journalistes de Libération et un des Inrocks, cités dans cette affaire, ont notamment été mis à pied "à titre conservatoire".
C'est un article du site de fact-checking de Libération Checknews qui a révélé vendredi l'existence d'un groupe Facebook privé baptisé "Ligue du LOL" (pour "mort de rire"): une trentaine de journalistes et professionnels de la communication,accusés d'avoir harcelé il y a quelques années d'autres journalistes et blogueurs, surtout des femmes et des militantes féministes, dans le petit milieu du Twitter parisien.
Plusieurs victimes ont témoigné sur les réseaux sociaux.
L'ex-journaliste Capucine Piot a raconté avoir été la cible de montages photo ou vidéo "moqueurs", des critiques récurrentes sur son apparence "pendant des années". "Ça a été très dur dans ma construction de jeune femme", a-t-elle tweeté.
"À chaque thread politique, à chaque gueulante féministe ou contre la grossophobie, je savais que j’allais payer le prix de ma liberté d'expression", a témoigné la militante Daria Marx.
Le blogueur Matthias Jambon-Puillet a raconté sur le site Medium des insultes anonymes et des photomontages, dont un pornographique envoyé en son nom à des mineurs. Le youtubeur star Cyprien a également dit avoir été ciblé.
Plusieurs membres de cette "Ligue du LOL", aujourd'hui trentenaires pour la plupart, ont tenté de s'expliquer.
"J'ai vu que certaines personnes étaient régulièrement prises pour cible mais je ne devinais pas l'ampleur et les traumas subis", a écrit David Doucet, rédacteur en chef web des Inrocks, admettant "deux canulars téléphoniques".
"Je m'en excuse auprès de tous ceux qui ont pu se sentir harcelés, mais je ne peux pas assumer moi-même toutes les conneries qu'ont pu faire des gens à l'époque sur Internet", a déclaré le créateur du groupe, Vincent Glad, pigiste à Libération.
Le responsable web de Libération, Alexandre Hervaud, et Vincent Glad ont été mis à pied "à titre conservatoire" et une "enquête interne" a été ouverte par la direction. "Cette mesure (...) ne présage pas des décisions qui seront prises une fois mis au jour les éléments requis", a précisé le directeur de publication de Libé, Laurent Joffrin.
Stephen des Aulnois, fondateur du "magazine en ligne de culture porno" Le tag parfait, a annoncé quitter son poste de rédacteur en chef.
David Doucet a été "mis à pied à titre conservatoire" par Les Inrocks, selon une source proche du magazine, une procédure préalable à son licenciement.
Le géant de la publicité Publicis a, quant à lui, mis à pied Renaud Loubert-Aledo, alias @Claudeloup.
Enfin, le journaliste Guillaume Ledit a été mis à pied à titre "conservatoire" par le média en ligne Usbek & Rica.
Ancien membre de cette "Ligue", le rédacteur en chef de Slate Christophe Carron s'est excusé sur Twitter, se défendant d'avoir "nui socialement ou professionnellement" à quiconque.