Au cas où le message ne serait pas assez clair, le chef de l’État a également soigné le cadeau qu’il remettra à son hôte. Pas de diplomatie équine, comme ce fut le cas lors de sa propre visite d’État dans l’Empire du Milieu, en janvier 2018. Macron avait alors offert un cheval de la Garde républicaine à son homologue, féru d’équitation. « Vésuve de Brekka se porte à merveille, il s’est adapté à son alimentation, on reçoit régulièrement des nouvelles », note au passage une source diplomatique.
Cette fois, le président a jeté son dévolu sur un livre précieux. La première traduction dans la langue de Molière de textes de Confucius, le plus important penseur de la civilisation chinoise, sous la plume d’un médecin explorateur du XVIIe siècle, François Bernier. Les sinologues considèrent l’ouvrage comme essentiel pour l’histoire des rapports entre la Chine et l’Europe. Une sorte de pont, en lettres latines.
Par-delà les divergences diplomatiques du moment, il sera encore question de cultiver ce lien lors du dîner d’État qui se tiendra, lundi soir, à l’Élysée. Non pas sous les dorures du Château de Versailles, comme il y a cinq ans, mais en présence de deux cents invités de marque parmi lesquels… l’actrice et chanteuse Hélène Rollès. L’héroïne de la série « Hélène et les garçons », diffusée dans les années 1990, est une star adulée dans l’Empire céleste. Elle y a même effectué une tournée triomphale en 2015. Seront aussi présents, pêle-mêle, Alain Delon, Jean-Michel Jarre, l’actrice Gong Li, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius ou encore Robert Hue, ancien président du Parti communiste.
Pour l’occasion, quatre personnalités emblématiques de la gastronomie tricolore ont été choisies par le président pour composer le menu (secret) de ces agapes. Les chefs Jean-François Piège pour l’entrée et Frédéric Anton pour le plat. La meilleure ouvrière de France en fromagerie, Christelle Lohro, et la meilleure pâtissière du monde, Christelle Brua. Pendant le festin, la garde républicaine interprétera des airs chinois. Le programme ne dit pas si Hélène Rollès en entonnera…
Pour Emmanuel Macron, la diplomatie est parfois affaire de mathématiques. Comment peser face au géant asiatique ? Les chiffres sont implacables. La Chine pèse 1,4 milliard d’habitants, 12 300 milliards de dollars de produit intérieur brut (PIB), le deuxième du monde. Avec un peu moins de 70 millions de citoyens, et une richesse intérieure près de cinq fois inférieure, à côté, la France fait figure de Lilliputien.
Alors pour se hisser au niveau de l’Empire du Milieu, pourquoi ne pas jouer la carte de l’Europe ? Tel est l’état d’esprit tricolore. Voilà pourquoi Emmanuel Macron a initié un rendez-vous inédit à l’occasion de la visite d’État de Xi Jinping : mardi matin, lui et son homologue seront rejoints par la Chancelière Merkel et le président de la Commission, Jean-Claude Juncker.
Pour l’Élysée, l’idée est d’unifier l’approche européenne face à la Chine, alors que certains pays de l’Union se laissent convaincre par le gigantesque projet chinois d’infrastructures maritimes et terrestres, « les nouvelles routes de la soie ».
Ainsi, le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte a signé vendredi un protocole d’accord avec le président chinois pour sceller la participation de son pays. D’autres États d’Europe centrale sont tentés. « Ce n’est pas une bonne méthode de discuter de manière bilatérale des textes d’accord (NDLR : sur ce projet) », a réagi Emmanuel Macron, depuis Bruxelles. Il lui reste à convaincre tous les Européens… autant que le Chinois.