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De la Nouvelle vague au porno en passant par Louis de Funès, les confidences de Serge Korber

 
Jusqu’au 31 juillet, date de l’inauguration du musée De-Funès à Saint-Raphaël, Var-Matin publie une série d’entretiens avec ceux qui ont côtoyé la star. Ce vendredi : le réalisateur de L’Homme orchestre.
 
Serge Korber n’a dirigé Louis de Funès qu’à deux reprises. Cependant, L’Homme orchestre et Sur un arbre perché occupent une place à part dans sa filmographie.
 
D’abord, parce que ces comédies ont été relativement boudées par les spectateurs de l’époque. Ensuite, parce qu’elles représentaient une prise de risques inhabituelle pour l’acteur.
 
À 83 ans, dans son appartement parisien, le réalisateur revient sur cette expérience.
 
Avec un plaisir évident.
 
Comment avez-vous rencontré De Funès ?
 
Louis avait adoré mon deuxième film, Un idiot à Paris, avec Jean Lefebvre et Dany Carrel. Au point qu’il s’était fait tirer une copie en 16 mm pour le projeter chez lui ! En 1969, il m’a invité à le rejoindre sur le plateau d’Hibernatus d’Édouard Molinaro.
 
Vous étiez flatté ?
 
En vérité… plutôt intrigué. Dans le monde des cinéastes de la Nouvelle vague, autour duquel je gravitais, faire un film avec De Funès était très mal vu. On lui reprochait de faire des films "commerciaux". Lorsque François Truffaut a su que j’avais un projet avec Louis, il a hurlé : "Je t’interdis de faire un film avec ce type !" On s’est fâché plusieurs années à cause de cela.
 
Finalement, cette première rencontre s’est bien passée ?
 
Dans le studio, l’ambiance était glaciale. Molinaro, que je connaissais bien, m’a pris à part : "Surtout, ne t’engage pas dans cette galère ! Il passe son temps à insulter tout le monde. Avec lui, c’est l’enfer !" Mais l’homme que j’ai rencontré était tout à fait charmant. Il m’a confié que ça se passait mal avec Édouard parce que ce dernier ne riait jamais. Pour un acteur comique, c’est terrible : le réalisateur est son premier spectateur. S’il a l’air de s’ennuyer, alors le comédien perd tous ses moyens.
 
Puis vous vous êtes revus…
 
Au château de Clermont, au Cellier, où Louis m’a invité à passer quinze jours. Je l’ignorais à l’époque, mais c’était tout à fait exceptionnel : aucun membre de la profession ne franchissait jamais les grilles de sa résidence. C’est dire à quel point le courant était bien passé entre nous…
 
Pourquoi, selon vous ?
 
Nous venions tous deux du music-hall ; ça crée des liens. Pendant ces deux semaines, on a échangé des idées en allant boire un verre de blanc au bord de la Loire – en cachette de Jeanne, son épouse, qui surveillait son alimentation.
 
Nous sommes très vite tombés d’accord sur l’idée de faire une comédie musicale. Ce qui a donné L’Homme orchestre…
 
Avec un gros travail en amont ?
 
Ah oui ! Il y a eu deux mois de travail sur la musique avec le compositeur François de Roubaix, puis encore deux mois de répétitions pour les ballets. L’avantage de travailler avec Louis, c’est que le budget était quasiment illimité. Comme ses films engrangeaient des millions d’entrées, on pouvait tout demander aux producteurs ; ils étaient d’accord sur tout.
 
De Funès s’est bien entendu avec De Roubaix ?
 
Ça a été un coup de foudre artistique réciproque. Un double coup de foudre même, puisque De Roubaix est devenu copain avec Olivier, le fils de Louis. N’oubliez pas qu’ils étaient tous musiciens ! Je me souviens de bœufs d’anthologie avec Louis au piano, Olivier à la batterie et François avec… tous les instruments de la terre – puisqu’il les maîtrisait tous. [Il rit].
 
Comment s’est comporté De Funès sur votre plateau ?
 
Tout à fait normalement. Jeanne était présente, attentive à une seule chose : que l’on voit bien, à l’écran, les yeux bleus de son mari. Ce qui n’était pas évident parce que ce bleu-là était très sombre… Mon chef opérateur a eu une idée géniale : il a mis un projecteur avec un filtre sur la caméra. [Il sourit] Louis et Jeanne étaient enchantés !
 
La première scène du film, une course-poursuite sur la Promenade des Anglais, a marqué les esprits…
 
On a tout bouclé pendant une journée complète, du village de Peille jusqu’à Nice ! Aujourd’hui, je ne crois pas qu’on nous donnerait l’autorisation.
 
Louis a parfois improvisé ?
 
Il proposait sans cesse des idées pour améliorer le film. Mais une fois – une seule –, il m’a demandé de brancher les caméras et de lui "faire confiance". C’était pour la scène où il raconte Le Loup et l’agneau à ses danseuses… sans dire un mot ! Un morceau de bravoure ! On l’a tournée en une seule prise. Ensuite, il a fallu réécrire une partie du scénario pour "raccorder" avec la suite de l’histoire.
 
Avec 2,5 millions d’entrées en 1970, L’Homme orchestre a été considéré comme un échec. Comme l’expliquez-vous ?
 
À l’époque, les films de Louis dépassaient souvent les 5 millions de tickets. Donc, là, on était loin de sa "moyenne". Si le film a effectivement moins bien marché, je pense que c’est parce qu’il s’agit d’une comédie musicale. Ce genre n’est devenu populaire, en France, que dans les années quatre-vingt-dix. [Il sourit]. Mais précisément, cet attrait récent fait que le film est de plus en plus apprécié. Je le vois lors des projections publiques : il vieillit bien…
 
Vous enchaînez avec un second film: Sur un arbre perché. Une idée de Louis ?
 
De Funès, avant même la sortie de L’Homme orchestre, m’a demandé quels étaient mes projets. Je lui ai parlé d’un drame que je devais tourner avec Yves Montand et Annie Girardot. L’histoire, inspirée de faits réels, d’un homme politique coincé avec sa maîtresse sur une falaise. Il m’a dit: "C’est pour moi ! Il suffira de modifier légèrement le scénario pour en faire une histoire comique." Il n’a pas voulu en démordre. Du coup, j’ai annulé le tournage prévu – rien n’était encore signé. Et Louis a pris le rôle de Montand ! [Il rit]. Yves a été vraiment surpris.
 
Enfermer De Funès dans un espace clos, alors que son comique est basé sur le mouvement, n’était-ce pas un concept saugrenu ?
 
De mon point de vue, si ! Je le lui ai dit, mais il avait envie de prendre des risques – comme avec L’Homme orchestre, mais d’une autre manière. Et puis, nous devions tourner avec Shirley MacLaine. Ça ne s’est finalement pas fait pour un problème de date. Dommage : la rencontre aurait été explosive.
 
Après cela, vous revenez au drame. Avant d’aborder, dans les années soixante-dix, un genre très différent : le porno…
 
C’est parti sur un pari stupide avec les copains de la Nouvelle vague : "Qui est chiche de réaliser un film X ?" J’ai levé la main… Et je m’y suis collé. Ça a occupé cinq ans de ma carrière. Bon, c’était pour rigoler et… pour le coup, je me suis bien marré !
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