L'application FaceApp, qui permet de retoucher une photo pour vous faire vieillir, est accusée de détourner toutes vos photos et données vers la Russie. Un vent de panique, qui permet de (re)poser la question de la protection des données personnelles en ligne.
Vous aussi, vous avez remarqué ? Vos copains ont tous pris un coup de vieux. Sur Facebook, Instagram, Twitter, au travail ou à la maison, fleurissent des photos de vos proches ridés, cheveux blancs et dents jaunies. C'est que, depuis quelques jours, les réseaux sociaux ont trouvé leur nouvelle mode : le #FaceAppChallenge, du nom de cette application - FaceApp - qui permet de retoucher votre photo pour vous faire paraître plus âgé, du moins dans sa version gratuite. Lancée en 2017 par le russe Yaroslav Goncharov, elle est actuellement très populaire et figure au top du classement des applications gratuites, sur l'Apple Store.
Un retour en grâce qui s'accompagne aussi d'un vent de panique. L'application serait en réalité un aspirateur à données sur l'autoroute de la Russie, la société éditrice de cet amusant outil, Wireless Lab, siégeant à Saint-Pétersbourg. D'où vient cette affirmation ? D'un certain Joshua Nozzi, développeur de son état, qui a tweeté le 15 juillet dernier : "Attention à FaceApp, l'application qui vieillit vos visages. Elle télécharge immédiatement vos photos sans vous demander, que vous soyez d'accord ou non."
Un tweet devenu viral, supprimé depuis par son auteur. Joshua Nozzi s'est ensuite fendu d'un billet de blog dans lequel il reconnaît s'être un peu emballé. "J'ai eu tort de dire que l'application pouvait télécharger toutes vos photos (...) Il n'apparaît pas que des photos soient téléchargées sans que vous l'ayez choisi" explique-t-il finalement. Il maintient tout de même que chacun doit se montrer prudent devant ce genre d'application.
Alors comment ça marche ? FaceApp fonctionne grâce à ce qu'on appelle "l'intelligence artificielle", c'est-à-dire un ensemble d'algorithmes qui apprennent en continu, s'ils sont nourris d'une grande quantité d'images et de photos. Plus ces algorithmes ingèrent de données, plus ils sont performants. C'est ainsi qu'ils peuvent, à partir d'une photo, la modifier de façon réaliste et personnalisée. Le résultat est d'ailleurs, il faut bien le dire, assez bluffant.
Pour fonctionner, l'application a besoin d'une photo de vous ou de la personne que vous souhaitez transformer. Vous pouvez effectuer un selfie, trouver une image dans votre propre bibliothèque ou encore la prendre sur Internet. Si vous choisissez une photo dans votre téléphone, l'application vous demande votre autorisation afin d'y avoir accès. Elle ne téléchargera pas d'autres images. En revanche, l'image que vous lui aurez fournie sera stockée sur un Cloud.
A partir de là, les conditions d'utilisation de l'application sont assez claires. Comme des internautes l'ont relevé, FaceApp indique qu'en tant qu'utilisateur, vous lui cédez de fait une licence d'utilisation "perpétuelle, irrévocable, non-exclusive, hors-taxe, mondiale, gratuite et transférable" de votre photo. Cela signifie que ce contenu pourra ensuite se retrouver sur des supports publicitaires ou commerciaux, entre autres, sans que vous en soyez informés, puisque vous aurez, en amont, donné votre autorisation.
Ces conditions d'utilisation peuvent paraître peu respectueuses des droits et des données personnelles des internautes. Mais le fait est qu'elles ne diffèrent pas tant que cela d'autres applications, à l'image de Facebook ou d'Instagram. Certes, en Europe, le RGPD (le règlement général sur la protection des données) est passé par là. Entré en vigueur depuis mai 2018, il permet aux utilisateurs de réseaux sociaux d'être davantage en maîtrise de leurs données personnelles. Son consentement est requis de manière plus systématique. Vous pouvez ainsi depuis peu choisir d'activer ou non la reconnaissance faciale sur Facebook, vérifier la manière dont vos données sont retenues dans le cadre de publicités ciblées, ou encore récupérer vos donnés archivées sur Instagram.
Mais, dans leurs conditions d'utilisation, même après le RGPD, on constate bien que Facebook et Instagram, pour ne citer qu'eux, conservent une "licence d'utilisation" de vos données. Si "aucune modification ne peut être apportée" au contenu, il existe là aussi une "licence non exclusive, gratuite, transférable, sous-licenciable, et mondiale pour héberger, utiliser, distribuer, modifier, exécuter, copier, jouer ou présenter publiquement, traduire et créer des œuvres dérivées de votre contenu". Là encore, tout un programme.
Ces conditions d'utilisation ne relèvent pas d'entreprises russes mais américaines, cette fois. Toutefois, est-ce réellement là le problème ?