L'homéopathie ne sera plus remboursée par la Sécurité sociale d'ici un an et demi, a tranché le gouvernement, se rangeant ainsi à l'avis de la Haute autorité de santé (HAS) qui avait conclu à l'"efficacité insuffisante" de ces produits pharmaceutiques.
Dès le 1er janvier prochain, les petites granules aujourd'hui remboursées à 30% ne le seront plus qu'à 15%, puis ce taux tombera à zéro en 2021, a-t-on appris mardi auprès du ministère de la Santé. Cette "période de transition" permettra de "se laisser le temps de la pédagogie" auprès des patients et "laissera aussi le temps aux industriels de s'organiser", a expliqué la ministre de la Santé Agnès Buzyn dans un entretien mis en ligne par le Parisien.
La ministre adresse donc une fin de non recevoir aux laboratoires, qui avaient plaidé pour un "moratoire" sur la question du remboursement et pour un "débat parlementaire", après la publication fin juin de l'avis scientifique accablant de la HAS.
La commission de la transparence de cet organisme chargé d'évaluer les médicaments avait conclu que les produits homéopathiques n'avaient "pas démontré scientifiquement une efficacité suffisante pour justifier d'un remboursement".
Disant assumer le caractère "impopulaire" de cette mesure, Agnès Buzyn souligne que la décision de dérembourser n'empêchera pas les médecins de continuer à prescrire de l'homéopathie ni les Français d'en acheter.
La ministre avait à plusieurs reprises affirmé sa volonté de suivre l'avis de la HAS.
L'homéopathie est née à la fin du XVIIIe siècle des expérimentations du médecin allemand Samuel Hahnemann. Cette méthode thérapeutique repose sur trois principes :
- La similitude ("homéo" signifie "même" en grec) consiste à soigner avec des substances végétales, minérales ou animales qui provoquent des symptômes semblables à la maladie.
- Les doses infinitésimales : les substances sont diluées pour qu'elles ne soient plus toxiques. Des dilutions à 1% sont répétées plusieurs fois. Ainsi la mention "9 CH" sur un tube signifie que les dilutions à 1% ont été pratiquées neuf fois, ce qui équivaut à diluer un mètre cube d'eau dans le volume total des océans du globe.
- L'individualisation : l'homéopathie considère le patient dans son ensemble et ne se focalise pas sur les seuls symptômes. Plus de la moitié des Français (58%) a déjà utilisé "plusieurs fois" des produits homéopathiques, selon un sondage Ipsos réalisé en octobre 2018 pour le compte de trois laboratoires homéopathiques.
Remboursée actuellement à hauteur de 30% (pour une partie seulement de ses produits), et à 15% seulement en 2020, avant un déremboursement total l'année d'après, l'homéopathie pèse assez peu dans les dépenses de la sécurité sociale: 126,8 millions d'euros sur un total de 19,6 milliards de médicaments remboursés en 2018, selon l'Assurance maladie.
En revanche, pour l'économie française, l'homéopathie est un secteur non négligeable avec 3.200 emplois directs et un leader mondial basé à Lyon, Boiron.
Les autorisations de mises sur le marché pour l'homéopathie ne répondent pas aux mêmes exigences que pour les médicaments classiques : pas besoin de fournir de données sur l'efficacité du produit. Mais ils doivent être suffisamment dilués pour garantir leur "innocuité".
L'homéopathie n'est pas reconnue comme une véritable spécialité médicale en France. Mais des facultés proposent aux futurs médecins ou professionnels de santé des formations validées par des "diplômes universitaires".
Selon le Syndicat national des médecins homéopathes français (Snmhf), 5.000 médecins homéopathes exerçaient dans le pays en 2016. D'après Boiron, 20.000 des 100.000 généralistes prescrivent régulièrement des granules homéopathiques.