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Réforme de l’audiovisuel public : Les syndicats tirent la sonnette d'alarme

Les représentants syndicaux de France Télévisions étaient reçu ce jeudi au ministère de la Culture pour discuter des projets de réforme du service public. Et se sont montrés très critiques sur les propositions de Delphine Ernotte.
 
Opération déminage, jeudi 16 novembre, au cabinet de la ministre de la Culture. Quelques conseillers reçoivent en urgence des représentants syndicaux de France Télévisions, furieux et inquiets du contenu du document de travail qui a fuité quelques jours plus tôt dans Le Monde et qui promet du sang et des larmes pour le service public. « Ils avaient vraiment l’air très embêtés, raconte l’un des participants. Ils ont tout fait pour nous rassurer (“c’est un document de travail, même pas une version zéro”, “il y a plusieurs versions“, “la ministre ne l’a pas lu”, etc.) Evidemment, ce sont des éléments de langage, on n’est pas dupes. » Création d’une holding regroupant tout l’audiovisuel public, rapprochement entre France 3 et France Bleu, suppression de France Ô, remise en cause de l’accord d’entreprise… Autant de sujets brûlants qui risquent d’agiter France Télévisions et Radio France ces prochains mois. D’autant que, dans le même temps, Delphine Ernotte a transmis directement au ministère ses propres propositions.
 
Grand absent de la campagne présidentielle, l’audiovisuel fait irruption au moment où le nouvel exécutif demande des économies générales (« Le cap 2022, c’est la version Macron de la révision générale des politiques publiques de Sarkozy », commente un syndicaliste). Sauf que beaucoup s’interrogent sur la méthode. « C’est la première fois qu’un gouvernement ne consulte pas les organisations syndicales pour réfléchir à une réforme sur l’audiovisuel », tempête Eric Vial, délégué FO à France Télévisions. J’y vois une forme d’incompétence, et à tous les niveaux. » « A chaque changement de gouvernement ou de direction, c’est la même chose, tout le monde remet à plat ce qui a été fait avant, peste Marc Chauvelot, délégué CGT, premier syndicat du service public. Le COM (contrat d’objectifs et de moyens) précédent va être piétiné six mois après son entrée en vigueur ! C’est extrêmement choquant que l’Etat ne respecte pas ses engagements. Et, évidemment, tout se fera sur le dos des salariés puisqu’il est évoqué de nouvelles suppressions de postes. » Plus largement, les élus interrogés redoutent que la réforme ne serve qu’à « faire des économies » et remette en question « les missions et le périmètre » du service public. France Télévisions paraît clairement dans le viseur de l’exécutif, alors qu’il lui a déjà été demandé 50 millions d’euros d’économies avant l’été.
 
Cette sorte de retour à l’ORTF, c’est une idée de Marc Schwartz, le directeur de cabinet de la ministre de la Culture. Ancien directeur financier de France Télévisions (2000-2005, période Marc Tessier), il est l’auteur d’un rapport sur l’audiovisuel public publié début 2015, qui prônait déjà des « rapprochements » entre les différentes entités du service public. Il fut chaudement félicité par Bercy pour son travail, à l’époque piloté par un certain Emmanuel Macron. « Il va mettre en musique son rapport d’il y a deux ans et demi », prédit Serge Cimino, du SNJ. On a déjà vécu douloureusement le passage à l’entreprise unique à France Télévisions depuis 2010, l’idée est juste de réduire la masse salariale. Ce genre d’hyperstructure, ça coûte une fortune à la collectivité et ça fragilise les salariés. » « L’entreprise unique ? Elle n’a engendré aucune économie et a déstructuré les salariés, ajoute Eric Vial. Une fusion, ça coûte toujours cher et ça traumatise les gens. » « Nommer un PDG global, est-ce le meilleur gage d’indépendance ? Ce n’est pas à la hauteur des enjeux », interpelle Marc Chauvelot, de la CGT.
 
Tous sont favorables à des collaborations par projets « qui font sens », à l’image de ce qui a été fait avec Radio France pour la création de la chaîne d’info en continu Franceinfo. C’est peut-être le seul point de convergence des syndicats avec la direction, Delphine Ernotte, à l’image de ses homologues de Radio France, France Médias Monde et l’INA, ne voulant pas entendre parler de holding, en tout cas jusqu’à aujourd’hui.
 
A France Télévisions, c’est peut-être la mesure la moins contestée, même si tout dépendra des modalités. « Ok pour développer des synergies, comme c’est déjà le cas sur certaines émissions politiques. Un meilleur maillage du territoire entre France 3 et France Bleu peut être une bonne idée, il y a une vraie complémentarité. Mais on dit non aux économies d’échelle !, déclare Marc Chauvelot. « En outre-mer, certaines rédactions télé, radio et Web se sont déjà rapprochées », relève le SNJ. Les syndicats sont beaucoup plus réservés sur la proposition de Delphine Ernotte de créer treize GIE (groupement d’intérêt économique), correspondant aux treize nouvelles régions administratives, et qui regrouperaient télés et radios publiques, mais aussi les chaînes locales privées. Un découpage qui rappelle celui existant de 1975 à 1982, quand FR3 pilotait à la fois télés et radios régionales. « Il faut vraiment rester aux vingt-quatre antennes régionales pour une meilleure chalandise, dit la CGT. En revanche, on est d’accord pour plus de productions régionales. » « Si ces treize GIE sont créés, il y a un risque de mainmise des présidents de région sur toutes ces antennes, ajoute FO. On n’a jamais été pour le mélange des genres entre public et privé. »
 
A Radio France, le climat est bien plus tendu sur le sujet. On redoute que les stations de France Bleu soient avalées par celles de France 3. « C’est désespérant, on est sonnés, c’est tellement dingue et dénué de sens… Quand on aura fini d’être sonnés, on sera violents », promet Valeria Emanuele, déléguée SNJ. « Les gens craignent que ça dégraisse alors qu’il n’y a ni projet éditorial, ni projet d’entreprise, ajoute Renaud Dalmar, délégué CFDT. Les loyers payés par les France Bleu s’élèvent à environ 300 000 euros par an. France 3 étant propriétaire de ses locaux, il est évident que France Bleu pourrait faire des économies. Mais derrière, il n’est pas question de faire un plus un au niveau des effectifs. Ce n’est pas une addition qui se profile, mais une division. »
 
En outre, le précédent de la chaîne commune Franceinfo semble avoir démontré que les économies ne sont pas forcément au rendez-vous. « En fait, ça nous coûte trois bras, déplore Valeria Emanuele, du SNJ. On a dû embaucher plein de CDD, mais aucun pour faire plus de radio. »
 
Dans son « document de travail », la Rue de Valois dit « envisager des départs contraints ». France Ô , qui emploie 450 personnes, semble particulièrement dans le viseur. « On ne joue pas avec la diversité et l’outre-mer, déplore Eric Vial. La rédaction de France Ô, où on a placé des journalistes en fin de carrière et très bien payés, est clairement ciblée. » « C’est bien beau de vouloir fermer France Ô, mais qu’est-ce qu’on fait de l’information ?, s’interroge le SNJ. Quand on ne peut plus couper de doigts, on coupe les bras ! »
 
Ce n’est pas le sujet le plus polémique. « France 4 a toujours été mal positionnée, ce n’est pas stupide qu’elle se rapproche de ses cibles jeunes », estime FO. » « Les formats de France 4 sont déjà très Web », ajoute le SNJ, même si « ça participe du rétrécissement du service public », prévient Marc Chauvelot.
 
On sait peu de chose du projet, si ce n’est qu’il s’agirait de mettre en commun des moyens pour produire des séries. Pour la CGT, « cela peut être le tremplin d’une grande plateforme publique de SVOD européen, donc pourquoi pas. Même son de cloche chez FO, qui valide : « Si c’est une association façon Franceinfo. » Pour l’heure, c’est… Arte qui ne serait pas très enthousiaste.
 
C’est la proposition force de Delphine Ernotte, qui cherche à nouer des partenariats avec ses homologues de la Rai, ZDF ou de la BBC. L’idée : augmenter les moyens de production de l’audiovisuel européen face à la force de frappe de Netflix, Amazon et consorts, qui se compte en milliards d’euros. Les syndicats sont évidemment d’accord sur le principe. Sauf que se pose la question des moyens. « Le gouvernement nous dit vouloir investir 55 millions d’euros d’ici à 2022 sur le numérique. C’est vraiment dérisoire au regard des enjeux ! », déplore Marc Chauvelot.
 
Evoqué par Delphine Ernotte dans sa lettre au ministère, c’est un sujet qui fait bouillir les syndicats. Il s’agirait de rediscuter le temps de travail, l’organisation des métiers et le système salarial. « L’accord a été signé en 2013. On a mis quatre ans à le négocier, et il a été très compliqué à mettre en place. Vouloir y revenir trois ans après, ce n’est pas sérieux ! », s’étrangle Marc Chauvelot. « La PDG de France Télévisions profite de la brèche ouverte par la Rue de Valois pour faire ce qu’elle n’osait pas. C’est bien Marc Schwartz le nouveau patron de l’audiovisuel public, et Delphine Ernotte a bien été nommée pour appliquer sa politique », assène Serge Cimino. Ambiance.
 
La suite ? Un comité central d’entreprise est prévu le 12 décembre à France Télévisions. Et il promet d’être agité.

On veut tuer FTV, gouvernement de merde. Et vive le chômage...

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