Eric Drouet a été interpellé mercredi soir à Paris pour organisation d'une manifestation non autorisée. Il avait appelé plus tôt sur Facebook à "une grosse action" afin de "choquer l'opinion publique".
Le pouvoir est-il tombé dans un piège tendu par Eric Drouet ? L'une des figures des Gilets jaunes a en effet été interpellé et placé en garde à vue mercredi soir pour organisation d'une manifestation non autorisée à Paris. Or, cette nouvelle arrestation d'un des leaders du mouvement pourrait se retourner contre le gouvernement et faire d'Eric Drouet un martyr. C'était d'ailleurs exactement le but de son rassemblement mercredi soir à Paris avec plusieurs autres Gilets jaunes. "Imagine, je me fais contrôler. Ils m'embarquent. C'est le nom qui va apparaître [à la télévision]. Cela va les faire chier. Cela va se retourner contre eux. S'il faut passer 4 heures en garde à vue pour plomber leur image, j'y vais", a-t-il théorisé vendredi 28 décembre lors d'un Facebook Live. Eric Drouet est sorti libre de sa garde à vue jeudi après-midi.
"Ce soir, on va pas faire une grosse action mais on veut choquer l'opinion publique. Je sais pas s'il y en aura qui seront avec nous sur les 'Champs' [...] On va tous y aller sans gilets", a-t-il précisé mercredi dans une autre vidéo. Le 29 décembre, il s'était déjà dit "énervé" et avait appelé les Gilets jaunes à le rejoindre pour "quelque chose de tendu". J'ai "besoin de monde qui n'aura pas peur d'une garde à vue", a-t-il également annoncé le même jour sur Facebook.
Eric Drouet a été interpellé mercredi vers 21h rue Royale à Paris entre la place de la Concorde et la Madeleine, à 500 mètres de l'Elysée. Il venait de déposer des bougies à la Concorde en mémoire des victimes du mouvement après avoir descendu l'avenue des Champs-Elysées en compagnie d'autres Gilets jaunes.
Le chauffeur routier de Melun avait prévu son action depuis plusieurs jours et avait prévenu plusieurs médias amis dont Brut et RT. Il voulait s'appuyer sur les failles du droit à manifester pour se rendre au plus près des lieux de pouvoir dans le 8e arrondissement. "Si on veut marcher en direction de tel endroit ou tel endroit, on a le droit. Il faut rester mobile, pas statique. L'attroupement est caractérisé que lorsqu'un groupe est statique", a-t-il expliqué sur Facebook après avoir précisé en avoir discuté avec son avocat.
En France, le droit de manifester est régi par une ordonnance de 2012, qui reprend un décret-loi de 1935. Le principe est simple : toute manifestation doit être déclarée sur la voie publique. Si ce n'est pas le cas, l'organisateur s'expose à une peine de 6 mois d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende (article 431-9 du code pénal). Les attroupements sont également interdits et peuvent être dispersés par la police (article 431-3 du code pénal). La défense d'Eric Drouet a, semble-t-il, réussi à convaincre qu'il ne pouvait être poursuivi sur ces bases. "On va jouer sur les termes", avait promis Eric Drouet dès le 28 décembre.
Sa stratégie médiatique a en tout cas fonctionné. Depuis l'annonce de l'arrestation, les oppositions dénoncent dans tous les médias la politique répressive de l'exécutif. "Les voeux de hargne du 31 décembre et la violation systématique des droits politiques de ses opposants dessinent un visage terriblement inquiétant d'Emmanuel Macron", a ainsi estimé la cheffe du Rassemblement national Marine Le Pen sur Twitter. Le député Insoumis Eric Coquerel s'est indigné pour sa part sur Franceinfo d'une "vraie persécution" contre Eric Drouet. Jean-Luc Mélenchon avait aussi pris la défense du gilet jaune dès mercredi soir. "De nouveau Éric Drouet interpellé. Pourquoi ? Abus de pouvoir. Une Police politique cible et harcèle désormais les animateurs du mouvement gilet jaune", avait-il tweeté.
Du côté des Républicains, on regrettait également cette arrestation. "Je ne doute pas qu'il y avait toutes les justifications à cette arrestation car M. Drouet est quand même quelqu'un qui a proféré des menaces", a affirmé jeudi la porte-parole des Républicains, Laurence Sailliet. "Néanmoins, il se trouve que cette arrestation évidemment ne crée pas un contexte favorable au grand débat qui va s'ouvrir et crée des tensions supplémentaires", a-t-elle jugé, se demandant "comment cela sera perçu par les gilets jaunes". Pour Fabien Di Filippo, député et secrétaire général adjoint des Républicains, cette interpellation n'était "pas nécessaire", au moment où l'exécutif tentait d'envoyer "un message d'apaisement".
Sur les groupes Facebook des Gilets jaunes, les réactions étaient encore plus virulentes. De nombreux Gilets jaunes dénonçaient jeudi matin "la dictature" d'Emmanuel Macron et appelaient à une forte mobilisation samedi pour l'acte 8 du mouvement. Les autres leaders du mouvement comme Maxime Nicolle et Priscilla Ludosky n'ont fait, pour le moment, aucun commentaire sur l'arrestation d'Eric Drouet. Mercredi, le chauffeur livreur de Melun a reconnu qu'ils n'étaient pas en accord sur tout. "Pour moi, ils s'éloignent trop de Paris", avait-il affirmé.