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Olivier de Funès : "Mon père avait un côté communiste dans la vie, alors qu’il a toujours voté à droite"

 
A quelques jours de l’inauguration du musée De-Funès à Saint-Raphaël, Var-Matin a rencontré Olivier, le fils de Louis. Il a joué à plusieurs reprises avec son père...
 
"J'ai horreur des “fils de…” Je ne comprends pas qu’ils ramènent leur fraise, ils n’ont strictement aucun mérite. La vedette, c’est leur père ou leur mère. Eux, ils ne sont rien. Ils feraient mieux de fermer leur gueule !"
 
Ainsi parle Olivier de Funès.
 
Paradoxal ?
 
Seulement en apparence. Le plus jeune garçon de Louis refuse de se mettre en avant. Il ne s’estime pas "qualifié" pour juger l’acteur, tressaillant à l’idée d’évoquer "De Funès en pantoufles".
 
Et pourtant ! A son corps défendant, son attitude, sans filtre ni calcul, exhale certaines valeurs familiales.
 
L’humilité. La franchise. Et la pudeur.
 
Vous êtes le seul fils de Louis à avoir joué plusieurs fois à ses côtés. Votre frère n’a jamais été intéressé ?
 
Patrick est un peu plus âgé que moi. Lorsque cette possibilité s’est présentée, il commençait ses études de médecine. Mon père ne m’a rien imposé. Il m’a proposé de tourner avec lui, exactement comme un menuisier ou un boulanger l’aurait fait, pour faire découvrir son métier à ses enfants. C’était toujours pendant les vacances scolaires. Pas question de me faire rater une seule heure de cours !
 
Vous avez débuté, à 15 ans, dans Fantomas se déchaîne. Avez-vous gardé le souvenir des tensions qui ont émaillé le tournage ?
 
Non. Tout le monde était très gentil avec moi. [Il sourit] En même temps, j’étais le fils de la vedette, alors…
 
Vous avez été témoin des fameux "coups de sang" de votre père sur les plateaux ?
 
Il faut arrêter avec ça… Louis était quelqu’un d’exigeant avec lui-même comme avec les autres. S’il avait le sentiment que ses partenaires ne partageaient pas son souci de bien faire, il pouvait être cassant. Mais c’est le propre de tous ceux qui portent un film sur leurs épaules ! Sur un plateau, Gabin, Delon ou Belmondo, fallait pas les emmerder ! Mais quand c’est Gabin qui pousse une gueulante, on trouve ça normal. Alors que si c’est De Funès…
 
Pourquoi cette différence ?
 
Parce que mon père était un acteur comique qui se revendiquait comme tel. Or, ce genre de comédien était déconsidéré. On respectait davantage ceux qui font pleurer que ceux qui font rire. [Un silence] Les choses ont un peu changé depuis. Dany Boon, par exemple, est pris au sérieux. Mais à l’époque… J’ai failli me battre plusieurs fois avec des gens qui abordaient mon père de façon inconvenante. Alors que personne n’oserait apostropher Alain Delon en le tutoyant ou en lui tapant sur le ventre !
 
Et lui, comment réagissait-il ?
 
Mon père était un vrai gentil. Il ne voulait pas décevoir les gens. Parfois, il était blessé mais s’interdisait de le montrer.
 
Louis tenait à s’entourer d’acteurs et de techniciens qu’il connaissait…
 
Il voulait travailler avec des camarades. Il avait un côté communiste dans la vie, alors qu’il a toujours voté à droite. Il voulait aussi se sentir en confiance, avec des gens qui comprenaient sa manière de fonctionner…
 
À l’instar de Jean Girault, le réalisateur des Gendarmes ?
 
Contrairement à ce qu’on a pu écrire, Girault n’était pas à la botte de mon père. Mais il savait l’écouter, il n’hésitait pas à le laisser délirer. Il ne tentait pas de le brider. C’est une preuve d’intelligence. Edouard Molinaro, lui, était plus rigide, plus austère. Cela ne les a pas empêchés de faire deux bons films ensemble [Oscar et Hibernatus, N.D.L.R.].
 
Selon vous, quel réalisateur a le mieux employé le talent de votre père ?
 
C’est comme mon film préféré: je pense que ça n’a aucun intérêt. [Un silence] Disons que j’adore le premier Gendarme. Ensuite, les comédies de Gérard Oury occupent une place à part. Oury n’était pas un auteur, comme pouvait l’être Billy Wilder, mais il maîtrisait totalement son propos.
 
Après la sortie de Rabbi Jacob, en 1973, Louis a déclaré que ce film lui avait "décrassé l’âme". Certains en ont déduit qu’il était, ou avait été, antisémite…
 
Des conneries ! Comme tous ceux de sa génération, élevés dans le catholicisme, Louis avait des idées préconçues sur la religion juive… mais ni plus ni moins que les juifs en ont sur les goys ! Il a découvert les rites et les traditions judaïques avec ce film. Il a été très impressionné par ce qu’il a vu.
 
Vous tournez pour la dernière fois avec lui, en 1971, dans Sur un arbre perché. Pourquoi avoir jeté l’éponge ensuite ?
 
Même si le réalisateur Serge Korber était un copain, je n’avais pas l’impression d’être à ma place. Je n’étais pas crédible. Depardieu aurait été bien meilleur que moi. J’étais une bavure – comme Géraldine Chaplin qui a remplacé au pied levé Shirley MacLaine.
 
Encore deux petits tours au théâtre, dans Oscar (1971) et La Valse des toréadors (1973), puis vous cessez définitivement de jouer. Louis a été déçu ?
 
Non. Il avait compris que, pour moi, se retrouver tous les soirs sur les planches était une horreur absolue. [Il éclate de rire] Il était très prévenant à mon égard. Il n’a jamais cessé de m’encourager, mais je voyais bien que je n’avais pas son talent. Ni même la "gueule" des grands acteurs de l’époque comme Depardieu, Dewaere ou Pacino. Je lui ai dit que je voulais devenir pilote de ligne ; il en a été fier. [Il s’interrompt] Il était un père hors pair. Extraordinaire !
 
De Funès angoissé, c’est une légende ?
 
Malheureusement non. [Il sourit] C’est même un trait de caractère familial. Mais angoissé, cela ne veut pas dire méprisant ! Mon père aimait profondément les gens. Dès qu’il en a eu les moyens, il a aidé ceux qui en avaient besoin. À commencer par nos voisins du Cellier : il couvrait leurs enfants de cadeaux. Parfois, à Noël, il se faisait livrer tellement de bicyclettes que nous aurions pu ouvrir un magasin !
 
Il culpabilisait d’être aussi bien payé pour ses films ?
 
Il avait honte de gagner autant. Et il trouvait injuste que les autres enfants soient moins gâtés que les siens. C’était de la vraie compassion ; pas de la pitié. Son ambition n’a jamais été d’être une star : il voulait devenir un bon second rôle, comme Carette. Il n’avait pas d’ambition vénale.
 
Trente-six ans après son décès, comment expliquez-vous la persistance de son succès ?
 
Ses interprétations disent des choses sur ses contemporains, sur la société de son époque. Il y a un courant qui passe, comme chez Chaplin… Une onde humaniste. Cela va bien au-delà du simple fait de faire rire.
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